Page:Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
L’ÉCRIN DISPARU

de soie demeurée piquée dans la broderie inachevée ; enfin, sa petite bibliothèque, avec ses livres alignés, dont les titres attestaient à la fois et la piété et la culture littéraire de la Vicomtesse. Sur le bureau laqué de blanc, un riche sous-main, une massive écritoire de bronze, le tout dominé par une riche statuette métallique du Sacré-Cœur de Montmartre.

L’âme attendrie d’un religieux et affectueux respect, les visiteurs n’échangeaient quelques mots qu’à de rares intervalles, n’osant se demander si tous ces objets n’allaient pas devenir autant de reliques, souvenirs d’un être aussi cher que révéré.

Cependant les chirurgiens, qui d’abord, n’avaient osé se prononcer sur l’heureuse issue de l’opération, donnèrent bientôt des affirmations rassurantes ; nulle infection ne s’étant déclarée, on pouvait normalement compter sur une guérison prochaine.

La surveillance exercée par l’autorité sur les allées et venues des hôtes du Parc des Cyprès, ne s’était point relâchée de sa rigueur et cette suspicion qui pesait sur tous, était particulièrement pénible à Lédia.

La jeune femme, alitée depuis l’attentat commis sous ses yeux, s’était levée pour la première fois et paraissait épuisée de cet effort.

Assise près de la fenêtre, que la douceur de la soirée permettait de laisser ouverte, Madame Giraldi semblait absorbée dans un rêve intérieur… Pâle, abattue, les paupières enflammées, la tête renversée sur le coussin de son fauteuil, elle regardait avec une fixité étrange la ligne sombre des arbres de la futaie au fond du Parc et croyait entendre encore, sans doute, la détonation qui avait abattu Madeleine à quelques pas d’elle.

Attribuant cette apparente insensibilité à un excès d’émotions, chacun évitait de prolonger l’entretien, pour se retirer au plus tôt. Bientôt un coup sec frappé à la porte fut suivi de l’entrée du Vicomte. Tandis qu’il s’informait de la santé de Lédia, celle-ci répondant évasivement et par monosyllabes, gardait les yeux tournés vers les lignes grises de l’horizon où s’épaississaient les nuages qui avaient voilé le crépuscule.

Changeant subitement de ton l’interlocuteur annonça :

— Madame, je suis chargé de vous poser une question. Vous savez les ordres sévères qui tiennent tous les habitants de cette maison privés de leur liberté. Eh bien ! malgré la surveillance étroite dont ils sont l’objet, il y a un disparu !… c’est Harry, votre chauffeur… on le cherche vainement depuis deux heures et les gardiens semblent attacher une grande importance au