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L’ÉCRIN DISPARU

XXV

GRANDEUR D’ÂME.


— Vous le saviez !… s’écria monsieur Giraldi. Vous le saviez, répéta-t-il plus lentement…

Et Hippolyte, trop ému pour pouvoir parler, fit « oui » de la tête.

— Mais alors ?… prononça le Maître, en proie à une indicible émotion, mais alors ?…

Il n’acheva pas, — Un voile venait de se déchirer devant ses yeux.

Il eut la vision du plus noble, du plus sublime des sacrifices, accompli par ce jeune homme qu’il avait privé de son nom, qu’il avait abandonné lâchement à une injuste flétrissure, et qui sachant tout cela… s’était tu !…

Il se sentait humilié, confus, ébloui d’admiration. Son stoïcisme lui parut mesquin auprès de tant de grandeur d’âme. Il n’eut plus la force d’articuler un mot. Et baissant la tête, il pleura…

Hippolyte sentit ces larmes tomber sur son cœur. Dès lors, cet homme lui parut plus digne encore de respect qu’auparavant. Il avait failli, c’est vrai, mais il acceptait si vaillamment l’expiation !…

— Maître, écoutez-moi, reprit Hippolyte Paillard, quand j’entrai à votre service, j’ignorais tout. Moins de trois semaines se sont écoulées depuis la révélation qui m’a été faite. Mais dites-moi, ne serait-ce pas ce misérable Précy qui vous a fait connaître mon nom ?

Et sur un signe affirmatif de monsieur Giraldi :

— Il n’y avait que lui qui pouvait savoir. J’ai eu le tort de me fier à lui, après qu’il m’eut tout appris ce que je sais, — Mais, je vous en prie, Maître, séchez vos pleurs, ils me sont trop pénibles. L’oubli, le pardon que je vous accordai dès le premier jour, fut laborieux, mais il sera sans repentance. Je n’ai pas oublié, que je fus coupable, moi aussi. J’avouerai sans détour, que mon premier mouvement fut une explosion de haineuse vengeance ; mais sous le regard du Christ, que j’ai tant méconnu, un prêtre m’a montré mon devoir, fait comprendre et accepter ce mot du Pater : « Pardonnez-nous, comme nous pardonnons. »

Mais pour cela, il faut croire, Maître, il faut croire ! Voyez-vous, il n’y a encore que Dieu qui…