Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/109

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de lui[1] ? » ils nous représentent Dieu répondant aux anges qui veulent le détourner de créer l’homme : « Mais quoi ! puis-je donc me passer de cet être privilégié ? J’ai répandu sur la terre des animaux de toute espèce ; j’ai peuplé les airs d’oiseaux et la mer de poissons. A quoi sert tout cela sans une créature capable de partager avec moi ma domination sur eux[2] ? Un roi qui posséderait un palais plein de trésors, s’y plairait-il s’il était réduit à y demeurer isolé sans recevoir un ami[3] ? » Là, encore et toujours sous le délicieux voile de la parabole, ils nous font assister au premier entretien que le Créateur eut avec sa créature favorite. En lui ouvrant le jardin d’Eden il lui dit : Regarde bien autour de toi ; considère la beauté des arbres que j’ai plantés. Tout a été arrangé pour toi seul[4]. »

Lorsqu’une doctrine qui s’est inspirée du Pentateuque et qui, en effet, n’avance pas un enseignement, une réflexion sans l’appuyer aussitôt d’un texte, arrive à formuler des pensées aussi nobles et aussi justes sur la dignité humaine, est-il besoin de rechercher si, dans le livre même qui lui a servi de source, aucun caractère, aucune nuance de cette même dignité, n’a été oubliée, méconnue ou seulement laissée dans l’ombre ? On juge d’un terrain par le fruit qu’il porte. Sans aller plus avant, nous pourrions donc poser en principe que le code sinaïque doit porter inscrits sur ses pages, les traits distinctifs de la noblesse humaine, puisque ceux qui ont fait de ce code l’objet constant de leurs études, ont si supérieurement parlé de tout ce qui élève tant l’homme, nous voulons dire cette raison et cette liberté en qui ils font consister le véritable, le plus bel apanage de l’homme sur la terre[5].

  1. Ps., chap. VIII, v. 5.
  2. Voir Midrasch Rabba sur Genèse, ch. V.
  3. Midrasch Jalkout, sur Ps., chap. VIII, v. V.
  4. Midrasch Rabba sur l’Ecclésiaste, VII, ch. VII.
  5. Voir Maimonide Jad Hachsaka Hilchoth Teschouba, chap. V.