entre leurs vues à cet égard et les siennes ! C’est aux deux pôles opposés que l’on se sent soudainement transporté en les écoutant tour à tour. Ainsi, tandis que la doctrine israélite déclare l’homme,. par son état de nature, noble et grand par toutes les excellentes dispositions dont son âme se trouve douée, il n’est plus, selon la doctrine chrétienne et la doctrine musulmane, qu’un être dégradé, déchu de sa noblesse, et chez lequel la pensée et le désir du mal prédominent sans cesse. Au lieu d’une créature supérieure aux autres et mise par Dieu dans le monde pour servir de trait d’union entre le ciel et la terre, résumant en elle tout ce qui a pu se détacher de l’essence divine pour passer dans un corps, nous n’avons plus qu’un malheureux être livré de bonne heure à l’empire d’un diable ou d’Eblis[1]. Que parlez-vous de liberté, de raison et de conscience, ces traits distinctifs auxquels nous avons reconnu l’homme selon le Pentateuque ? Tout cela est effacé, anéanti ; l’esprit du mal a passé dessus ; cet esprit règne en maitre chez l’homme, et de son souffle délétère, flétrit en nous, dès le jour de notre naissance, toutes nos perfections et en empêche, en arrête l’épanouissement. Partout, le rapport de l’homme avec Dieu est rompu, car le Créateur ne voudrait et ne pourrait pas s’unir à un être dégradé. A quoi d’ailleurs nous servirait cette union, puisque nous sommes incapables de tenter quelque chose de bon, étant descendus de notre rang élevé ? A l’égalité entre les hommes par rapport à leur commune aptitude de concevoir et d’aimer le vrai, le beau et le bien, les deux religions ont substitué une égalité d’incapacité de s’élever jamais aussi haut. Le mot reste le même, mais la chose est changée du tout au tout. Il peut y avoir là une grande ressource d’humilité, mais,
- ↑ Épitre aux Romains, chap. VII, v. 20 et 21 ; Coran, chap. XVIII, v. 48.