Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sant le Pontife. Chez ce dernier se présentèrent, quelques jours après, les deux savants pour prendre congé de lui. Il ne put dissimuler son jaloux mécontentement et leur dit : Allez en paix, fils de païens ! Que les fils de païens, répliquent les deux docteurs, que les fils de païens qui marchent sur les traces d’Aron, trouvent la paix ; mais que les fils d’Aron qui souillent la mémoire de leurs ancêtres puissent ne jamais la rencontrer ![1] ».

Cependant si, jusqu’à présent, nous n’avons fait que parler de l’homme à un point de vue purement individuel, ce n’est pas qu’il soit entré dans notre pensée de séparer sa destinée de celle de l’Humanité en général. A vrai dire ces deux destinées sont identiques et se confondent, de même que se confondent l’homme et l’Humanité ne formant qu’un ensemble et étant l’un à l’autre ce que la partie est au tout et ce que le tout est à la partie. Et d’abord, que serait l’homme qui marcherait à sa fin, privé de tout rapport avec ses semblables, lesquels iraient à la leur, chacun séparément de son côté ? Pourrait-il même, ainsi isolé, atteindre jamais à sa fin ? Ne serait-il pas obligé de dépenser toutes ses forces, et, bien entendu, les forces de son âme, pour entretenir et soutenir exclusivement son existence matérielle ? Non, c’est un fait qui n’a pas besoin d’être longuement démontré : notre faiblesse d’une part, et de l’autre le sentiment que nous avons de notre destinée, nous portent naturellement à nous unir à nos semblables, à profiter des avantages qu’ils possèdent sur nous, comme à les laisser profiter de ceux que nous avons sur eux, à les appeler à notre aide dans les périls qui nous menacent, comme à partager les leurs, et à concourir à leur bien-être comme nous attendons d’eux qu’ils contribuent au nôtre. Sur

  1. Traité Ioma, p. 74. Maïmonide, Iad Hachsaha, Hilchoth Talmud Thorah, ch. II.