Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/170

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Nous avons dit que le Judaïsme a le premier aperçu les grandes lignes de cette double destinée qui n’en forme qu’une au fond. Son dogme du Messie est là pour l’attester. Qu’est, en effet, ce Messie, sinon la personnification de la destinée humaine, telle que nous venons de la caractériser ? Entendons-nous sur le mot personnification. Ce n’est pas symbole que nous voulons dire, autrement nous finirions par prendre le Messie pour un simple mythe, et cela serait contraire à la croyance juive. Suivant la doctrine israélite, le Messie est bien une personne qui viendra au temps marqué, alors que Dieu aura jugé l’Humanité assez avancée dans la voie de sa destinée pour être digne de recevoir l’oint du Seigneur. Destinée et Messie, cela marche de pair, les deux sont dans la plus étroite connexité, et le Messie ne viendra que quand la destinée humaine aura fait vers son accomplissement le plus grand pas. L’oint du Seigneur, le Fils de David, aura pour mission de mener cet accomplissement jusqu’au bout, toutefois à la condition qu’il le trouve déjà en bonne voie. Cette manière d’envisager le Messie et sa mission explique de suite pourquoi Israël s’est tant obstiné jusqu’à présent et s’obstine encore aujourd’hui à affirmer que le Messie n’est pas venu. Il n’est pas venu, parce que l’erreur subjuge encore trop souvent la vérité, parce que le progrès n’a pas dissipé tous les préjugés de l’ignorance, parce que les sciences morales et naturelles n’ont pas atteint un degré assez élevé de perfection, parce qu’enfin l’idolâtrie même n’a pas totalement disparu. Israël prétend qu’il reste encore à faire au genre humain un certain nombre de pas pour toucher à cette époque désirée où, selon la parole du prophète[1] qui s’est le plus occupé de l’avènement du Messie, une paix inaltérable aura enveloppé

  1. Isaïe, notamment ch. 2, v. 1, 1 à 6.