d’extraordinaire que les âmes qui s’y rendent soient muettes de frayeur par suite de l’attente où elles sont de savoir quel sera leur sort futur ! Est-ce bien le moment pour elles d’entonner des cantiques, des chants, des louanges, quand elles ignorent encore si leur existence s’est trouvée bien ou mal remplie ? Le silence dont parlent les Psaumes n’est-il pas chose naturelle dans un semblable état d’incertitude et de perplexité, et n’est-il pas permis d’oublier un instant l’ardeur et le zèle passé, pour s’abandonner à l’anxiété du moment présent ? De là, évidemment l’expression de Doumah[1] et de Eretz neschiah[2], c’est-à-dire lieu du silence, pays de l’oubli, appliquée par les écrivains sacrés au Scheôl. Mais il y a loin de cette expression à la perte complète du sentiment chez l’âme d’un trépassé. Combien plus grande encore serait la distance si l’on voulait conclure de cette absence purement adventice et occasionnelle de la ferveur passée, une impossibilité absolue de reprendre conscience de son amour pour Dieu, alors que l’on aura été jugé digne de s’approcher de la Majesté Divine pour la contempler éternellement.
Au surplus, voici des textes non équivoques qui attestent la conscience et la personnalité chez les morts. Nous en prenons d’abord quelques-uns dans le livre même d’Isaïe. Écoutons ce prophète quand il raconte, dans le langage qui lui est propre, la chute du roi de Babylone : « Le Scheôl souterrain s’agite à ton approche. Les Rephaïm, jadis les puissants de la terre, s’arrachent de leur sommeil. Les rois des nations aujourd’hui dans l’empire des morts, se redressent comme sur leurs trônes d’autrefois, et, s’adressant à toi d’une voix unanime : Comment ! toi aussi tu es devenu faible comme nous ! Ton destin