Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/237

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transfuge du Judaïsme pour le Paganisme, reçut au ciel la punition tant méritée, afin d’être admis à la béatitude céleste ; et Rabbi Jochanan prétend avoir sauvé ce même docteur qui avait déserté la religion juive, de l’avoir sauvé des peines de l’enfer[1]. »

Que ce ne soit là que de l’allégorie, toujours demeure-t-il certain que ces paroles et ces prétentions prouvent chez les docteurs juifs une aversion décidée pour la damnation éternelle. Et c’est d’instinct que cette répugnance se manifeste chez eux. Car, on n’ignore pas qu’il y a nombre d’arguments fort spécieux que l’on pourrait invoquer en faveur de l’éternité des peines, et parmi lesquels le plus concluant est, sans contredit, celui qui prétend mesurer la punition à la grandeur, à l’étendue de la faute. Cet argument le voici : comme en offensant Dieu on offense un principe éternel, une justice rigoureuse demanderait aussi l’application d’un châtiment éternel. Mais on n’ignore pas non plus, et nous avons déjà eu occasion de l’établir, combien les rabbins aiment à subordonner la justice de Dieu à sa bonté. Un Dieu bon, c’est avant tout ce qu’ils proclament ; c’est leur premier Credo, c’est la pierre angulaire de leur édifice théologique ; c’est le soleil de leur route. Qu’ils viennent après cela parler des peines et des félicités du monde futur, le tout sera examiné à la clarté de ce beau soleil, et si ses rayons projettent toujours une traînée de lumière éternelle sur le bonheur des justes, ils abrègent en même temps, par leur bienfaisante action les tourments des méchants ; ou, pour parler sans figure, si la bonté de Dieu veut que la vertu soit éternellement heureuse dans la vie à venir, elle ne peut pas ; d’un autre côté, vouloir que le criminel s’agite dans des tourments sans fin. Et ainsi se

  1. Voir le livre de M. Isidore Cahen, p. 100, avec la citation du Midrasch Kohéleth. Voir aussi le Ikarim du R. Albo, 4e partie, chap. XXXVIII.