Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/238

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trouve élevée à la hauteur d’un principe vrai et incontestable la belle théorie juive qui se prononce pour l’éternité des récompenses et pour la non-éternité des peines dans la vie future.

Eh bien, qui le croirait ? Cette théorie si consolante n’a pas trouvé le moindre écho dans le Christianisme ni dans le Mahométisme. On ne saurait certes assez s’en étonner, surtout après que l’on a entendu Jésus parler en termes toujours si touchants de la mansuétude du Créateur, et que l’on a vu Mahomet avoir constamment à la bouche sa formule favorite de « Dieu clément et miséricordieux ». Mais ce qui est encore plus étonnant, c’est de les voir tous deux poser face à face l’immense miséricorde de Dieu et l’inexorabilité de sa vindicte éternelle. N’est-ce pas le fondateur de l’Église chrétienne qui a dit : « On donnera à celui qui a et il aura encore davantage, mais pour celui qui n’a pas on lui ôtera même ce qu’il a[1]. » Et Mahomet n’a-t-il pas répété après lui : « A ceux qui font le bien, un bien est un surplus. Ceux qui font le mal, leur rétribution sera pareille au mal, l’ignominie les couvrira ; ils habiteront le feu et y demeureront éternellement[2]. »

Et comme s’ils avaient craint qu’on ne saisît pas leurs pensées dans toute leur portée, ils se sont encore simultanément attachés à les rendre sensibles par des exemples tirés de scènes déchirantes qu’ils supposent se passer dans l’enfer. Écoutons l’apôtre musulman : « Une cloison sépare les bienheureux des réprouvés. Les habitants du feu crient à ceux du jardin : Répandez sur nous un peu d’eau ou un peu de ces délices que Dieu vous a accordés. A quoi les habitants du jardin répondent Dieu a interdit de vous donner quoi que ce soit. S’adressant ensuite au souverain Juge lui-même, les premiers

  1. Math., chap. XIII, v. 12.
  2. Coran, chap. X.