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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/239

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appellent du fond de l’enfer : Seigneur, fais-nous sortir d’ici ; nous pratiquerons la vertu autrement que nous ne l’avions fait auparavant. Non, non ! sera la réponse ; subissez votre peine ; il n’y a point de protecteur pour le méchant qui sera hors de tout espoir de salut[1]. »

Jésus n’est pas moins explicite. On devine que nous faisons allusion à la célèbre parabole de Lazare et du riche. Que dit le riche lorsqu’après sa mort, il passe en enfer, et qu’il voit au contraire Lazare, le pauvre, reposant dans le sein d’Abraham ? Il s’écrie : « Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis extrêmement tourmenté de cette flamme. Abraham lui répond : Mon fils, souviens-toi que tu as eu des biens pendant ta vie et Lazare y a eu des maux, et maintenant il est consolé et toi tu es dans les tourments. Outre cela, il y a un grand abîme entre vous et nous, de sorte que ceux qui voudraient passer d’ici avec vous ne le peuvent ; non plus que ceux qui voudraient passer de là ici[2] ; » Dieu dit encore aux méchants : « Retirez-vous de moi, maudit, et allez dans le feu éternel qui est réservé au diable et à ses anges[3]. »

Qu’on veuille bien rapprocher cela de l’allégorie du Midrasch Kohéleth cité plus haut, et qu’on juge de la différence ! Ce qui est ici un abîme se réduit là-bas à la mince épaisseur d’un doigt, à une distance facile à franchir.

Mais enfin qu’est-ce qui a pu faire que le Christianisme et le Mahométisme ne se soient pas aperçus, à l’égal de la doctrine juive, de l’incompatibilité qui règne entre le dogme de la damnation éternelle et la croyance en un Dieu bon, clément et

  1. Coran, chap. VII, XXXVIII et LXIII.
  2. Luc, chap. XVI, v. 23 à 26.
  3. Math., chap. XXV, v. 14.