Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/240

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miséricordieux ? C’est que, de prime-abord, ils s’étaient placés tous deux volontairement dans des situations qui ne pouvaient manquer de les aveugler sur les oppositions les plus manifestes. Le Judaïsme, lui, s’est toujours posé en adversaire vis-à-vis du paganisme triomphant ; il n’a jamais craint de le contredire, de l’attaquer, de le saper par ses bases. Au contraire, les deux nouvelles doctrines sont entrées de bonne heure en compromis avec lui ; elles l’ont ménagé ; en tout temps, elles ont plutôt cherché à le circonvenir qu’à le combattre de front. De là, dans les deux enseignements respectifs, certains restes du dualisme qui faisait le fond de toutes les religions païennes. Il est vrai que le Christianisme a souvent réagi, plus que ne l’a fait le Mahométisme, contre cet élément hétérogène qui s’était ainsi glissé, dès le principe, dans le sein de tous deux et par leur propre faute. Néanmoins, il n’a pas toujours su se rendre maître de lui. Est-ce manque de courage, ou manque de moyens ? On ne sait trop, surtout quand on le voit spiritualiser d’une part les récompenses de la vie future et d’autre part en matérialiser les peines. Pourquoi cette différence ? Disons-le : parce qu’il n’a pas su se détacher assez radicalement de l’antique croyance à un principe du mal, à un prince des ténèbres, au diable, comme chef d’un royaume peuplé d’une légion de démons innombrables. Partant de cette croyance, toute la question, pour lui comme pour le Mahométisme, se réduisait à savoir qui des deux, du génie du mal et du génie du bien, se saisirait des âmes des trépassés, et, comme le principe du mal en sa qualité d’ange rebelle est censé être tout-puissant dans son empire, dans l’enfer, on comprend qu’on lui ait accordé le pouvoir de ne plus jamais lâcher ceux qui sont une fois tombés dans ses mains, et de leur infliger des tourments éternels.

Un reste de dualisme, corroboré par une superstition popu-