Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/256

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n’a jamais trouvé accès en Israël, celle qui place le réveil des morts à une époque de suprême et total désastre. La fin du monde arrivera-t-elle ou n’arrivera-t-elle pas ? Il nous suffit de savoir qu’aucun prophète n’en a jamais fait mention, pour que notre pensée ne s’arrête même pas sur un événement que la bonté créatrice de Dieu semble ne devoir jamais laisser s’accomplir[1]. C’est là d’ailleurs une croyance toute païenne. Lucrèce en parle[2]. On a voulu, pour la justifier théologiquement, s’appuyer du terme biblique de Achrith Hajamim, « fin des jours ». Mais qui ne sait que cette expression est une figure, un simple trope dans le langage sacré ! Elle n’a jamais signifié autre chose que l’avenir. Tous les prophètes s’en sont servis dans ce sens[3], et le prophète Joël, en faisant le tableau de la résurrection, marque positivement qu’elle n’aura pas lieu à la fin du monde, quand dit : « En ce jour, le vin doux ruissellera…… et Dieu règnera à Sion. Jérusalem sera redevenue sacrée, et les étrangers ne la fouleront plus d’un pied impur[4] ».

Mais cette Jérusalem sera peut-être la Jérusalem céleste dont l’Église parle encore aujourd’hui si fréquemment ! Ce n’est pas là l’opinion de Jean l’Évangéliste ou le Théologien, comme on l’appelle aussi, l’auteur de l’Apocalypse où il est dit en termes formels : « La nouvelle Jérusalem sera le tabernacle de Dieu avec les hommes ; il y habitera avec eux ; ils seront son peuple et Dieu lui-même sera leur Dieu[5]. » Le célèbre allégoriste, on le voit, n’a pas osé aller aussi loin qu’on l’a fait après lui. « La Jérusalem de l’avenir est donc bien une vraie

  1. L’auteur de l’Ecclésiaste, chap. 1, v. 4, semble même poser en principe la conservation éternelle du monde.
  2. Dans son poème, v. 105.
  3. Voir notamment Jérémie, chap. XLVIII, v. 46 ; Ezéchiel, chap. XXXVIII, v. 16 ; Osée, chap. III, v. 5, et Daniel, chap. X, v. 14.
  4. Joël, chap. IV, v 17.
  5. Apocalypse de Saint Jean, chap. XX et XXI.