Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/26

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Le fait seul de cette divergence d’opinion entre deux intelligences aussi élevées, peut déjà donner à supposer que l’une et l’autre sont tombées dans l’erreur. Quand, sur une matière aussi considérable et dans laquelle le doigt de Dieu doit s’être montré si manifestement, on en est encore à faire des conjectures ; quand on ne s’accorde pas et que parfois même on se contredit, il est bien permis, ce semble, de douter de l’originalité, de la grandeur exclusive, de la perfection spéciale et supérieure qu’on se plaît à accorder à l’une des deux doctrines comparées. La supériorité vraie ne se déduit et ne se conjecture pas ; elle s’affirme par la clarté et la précision.

Voyez les diverses révélations qui se sont succédé d’Adam à Moïse, et dont nous prétendons que la dernière a été supérieure aux autres ! Là, tout s’établit clairement. Lorsque Dieu apparut à Moïse et lui dit : Je suis celui qui suis[1] » ne se fit-il pas autour de cette révélation nouvelle comme un nouveau jour ? Je suis celui qui suis, c’est-à-dire à moi seul appartient la perfection absolue ; je suis l’Être par excellence ; vers moi doivent converger toutes les pensées, toutes les aspirations de l’humanité ; c’est à imiter ma sainteté que les hommes doivent tendre sans cesse, et c’est pour leur enseigner le chemin qui conduit vers moi que je t’envoie, toi, Moïse, mon serviteur. Les patriarches m’ont connu[2], m’ont adoré ; ils ont cherché à répandre autour d’eux la connaissance de mon nom ; à Noé aussi je m’étais montré avec mes attributs de puissance et de justice. Mais ni Noé ni les patriarches n’avaient pour mission de proposer au genre humain la voie qui rapproche de moi. Je n’avais pas fait descendre dans leurs mains ce code de préceptes que je mets entre les tiennes.

  1. Exode, ch, III, v. 14.
  2. Exode, ch. VI, v. 3.