Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/266

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devoir dans le Christianisme, nous pourrions aisément retourner l’argument et montrer que, précisément, la civilisation est restée stationnaire aussi longtemps que la Bible, avec les dogmes si purs qu’on lui connaît maintenant, ne fut pas répandue et vulgarisée. Que de fois, à ces époques d’ignorance et de ténèbres bibliques, la fraternité n’a-t-elle pas dû s’effacer devant l’intolérance, l’amour devant la haine, la liberté de conscience devant le fanatisme, la charité devant les persécutions religieuses ? Ce n’est vraiment qu’à dater de la réforme opérée par Luther, et qui a porté avant tout sur la vulgarisation de la Bible, que la chandelle allumée, pour nous servir de l’expression évangélique, ne l’a pas été pour être mise sous la table. Encore Luther lui-même était-il demeuré comme son collègue Calvin, sous l’empire des anciens préjugés d’exclusion pour cause de différence de foi. Ils n’ont su s’élever ni l’un ni l’autre jusqu’à la hauteur de la vraie notion du devoir qui ne connaît aucune différence entre les hommes pour motif de religion. Ce n’est que quand la Bible fut universellement connue, que les hommes furent peu à peu acquis à la pratique du devoir, tel qu’une saine morale doit le comprendre et l’appliquer, surtout l’appliquer. La Bible répandue, lue, connue et commentée, a, presque à elle seule, opéré cette heureuse révolution morale, dont il est donné à qui veut le faire actuellement, de recueillir les excellents fruits. C’est depuis la vulgarisation de la Bible, qu’on voit l’humanité faire de réels progrès dans l’accomplissement de sa destinée. Mais malheureusement, c’est encore souvent malgré le catholicisme et même le protestantisme, que ces progrès continuent à s’opérer. Rien ne fait donc absolument présumer qu’il y ait, à l’égard du Christianisme, en général, solidarité et correspondance exactes entre les dogmes qu’il professe et le degré de moralité qu’ont atteint ceux qui, ostensiblement du moins, marchent sous