Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/328

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se complaisait tant. De gai, de dispos que j’étais, me voici devenu triste et accablé sous le poids de l’ennui. Je me sens presque à charge à moi-même. Que serait-ce donc si le corps se trouvait dans un état habituel de souffrance ? Et ce que j’observe en moi pour cette douleur particulière, chacun peut le remarquer en lui pour toute espèce de souffrance. Quelque peu grave et sérieuse qu’elle soit, la maladie du corps affecte toujours l’intelligence et lui ôte à tout le moins son activité, sa vivacité, ce qui la rend incapable de rien tenter, de rien produire de bon.

Eh bien ! comment oserions-nous avec cela négliger notre corps et le laisser dépérir faute de soins et d’attentions de notre part ? Songeons à ce que nous pouvons entreprendre et exécuter dans notre état normal, dans notre état de santé, et nous nous convaincrons de la faute, disons même du crime qu’il y a à s’imposer des privations dont l’infaillible résultat est de l’affaiblir. Ce n’est pas en se laissant manquer du nécessaire qu’on peut être agréable à Dieu. Quand on se néglige ainsi ou, comme on l’a fait plus d’une fois, quand on méprise assez son corps pour aller jusqu’à le déchirer à coups de lanières, on doit ressentir bien peu de reconnaissance pour le Créateur que l’on semble accuser de nous avoir, pour notre malheur, enchaînés au corps. Qu’un pénitent, pour proportionner l’expiation au péché, ait quelquefois recours au jeûne et aux mortifications, nous le comprenons. Ce sont là des austérités momentanées qui corrigent et redressent les mauvais penchants. Nous comprenons encore qu’on s’y livre, soit pour pleurer sur un terrible malheur arrivé à nous, à nos pères, à la patrie, soit pour demander à Dieu de nous affranchir du poids de sa main redoutable appesantie sur nos têtes. En mortifiant le corps, on ne veut, dans ce cas, que donner un signe visible de repentir, de tristesse, de deuil et de douleur. Ce sont là de vrais témoignages de piété.