Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en retour de l’obéissance et de la soumission qu’il témoigne à ses volontés ? Quel rôle odieux jouerait-elle donc si elle demandait l’affaiblissement, la destruction du corps ? Le corps est précisément le plus puissant des leviers mis par Dieu à notre disposition pour atteindre cette félicité que la religion promet. « Un jour, rapporte le Talmud[1], l’Empereur Antonin dit à Rabbi Iehouda : Il serait très facile à l’âme comme au corps de se disculper de leurs fautes devant le juge suprême. Quoi ! pourrait plaider le corps, on me déclare coupable ! Mais n’est-ce pas l’âme qui est la cause de tout ? Depuis le moment où elle m’a quitté je suis tranquille, je ne remue même pas ; une pierre n’est pas plus innocente que moi. Et moi donc ! répliquerait l’âme, de l’instant où j’ai été débarrassée du corps et des liens qui m’enchaînaient à lui, ne me suis-je pas élevée dans les airs ? l’oiseau n’est pas plus pur que je le suis. Ces paroles sont fort spécieuses, répond Rabbi Iehouda, mais écoutez cet apologue : Il existait un roi qui possédait un vaste et beau jardin. Il y planta des figuiers qui produisirent des fruits exquis. Un jour, désirant s’absenter, il donna la garde du jardin et surtout des rares figuiers qui s’y trouvaient à deux hommes dont l’un était aveugle et l’autre paralytique. Celui-ci, après le départ du maître, dit à son compagnon. Oh ! qu’elles sont belles les figues que j’aperçois là-bas ! Si nous pouvions parvenir à en cueillir quelques-unes ? Une idée ! si tu abaissais tes épaules, je monterais sur elles, tu me porterais, toi qui as l’usage de tes jambes et moi qui puis me servir de mes yeux, je te guiderai. Et ils firent ainsi, et dépouillèrent les beaux arbres du jardin. Quand le roi revint et qu’il vit cette dévastation, il en demanda compte aux deux gardiens

  1. Traité Sanhédrin, p. 91.