Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/364

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mal de se sentir imparfait ; l’humilité n’a jamais été un vice, et le Pentateuque qui exalte tant celle de Moïse[1], et les docteurs israélites qui ne voient rien sur la terre de comparable à l’homme humble et modeste[2], n’ont assurément pas méconnu l’importance de cette belle vertu. Mais, comme toute autre vertu, elle peut devenir dangereuse si elle s’exagère, et elle fait cela sans conteste lorsqu’elle va jusqu’à nous inspirer du doute sur nos perfections relatives mais réelles, et qu’en toute circonstance elle nous porte plutôt à nous arrêter à la bassesse de notre condition actuelle, qu’à son côté élevé et distingué.

Vous comprendrez enfin la bizarre destinée de l’Islamisme qui, s’étant bien proposé de copier le Pentateuque et lui ayant effectivement emprunté nombre d’excellents enseignements, a complètement échoué sur le chapitre des devoirs de l’homme envers lui-même. Il y avait chez lui une erreur de plus que dans la doctrine chrétienne ; il y avait à côté du péché originel et de la prédestination, le fatalisme crûment enseigné à la façon du destin antique érigé tout simplement par lui en dogme religieux. Dans cette malheureuse situation où Mahomet plaçait ainsi l’homme, lui ravissant d’une part sa dignité native, et de l’autre sa liberté sans le moindre ménagement, comment se serait-il hasardé ensuite à l’exhorter d’en sortir ? Eût-il seulement pu lui offrir une issue ? Quand tout arrive dans le monde par des lois fatales, et que, par surcroît, on vous déclare déchu de votre grandeur, vous sentirez-vous encore le courage d’affronter un obstacle ? Esclavage des sens, esclavage civil ou politique, tout cela s’imposera toujours facilement à vous.

Il est donc naturel que le Judaïsme qui n’a jamais cessé d’enseigner l’opposé, ait constamment trouvé dans ses fidèles

  1. Nombres, chap. XII, v. 3.
  2. Talmud, traités Méquilah, p. 31, Eroubin, p. 13, et Nedarim, p. 38.