Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/40

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Ils vont du moins emporter dans leurs lointaines pérégrinations le nom du Dieu dont la volonté seule avait suffi pour les arrêter dans leurs projets téméraires ? Non ! Ils l’oublient, ce Dieu-un, et bientôt lui préfèrent un morceau de bois ou de pierre ; ou bien, ils adorent la lune et les étoiles ; ils adressent à la créature le culte dû au Créateur. Entraînés, subjugués par la passion, éblouis, charmés, séduits par le vice, ils croient trouver dans le vice et la passion des divinités dignes de leur adoration. Ils les personnifient, leur prêtent des qualités supérieures et s’agenouillent devant eux pour implorer leur secours et leur protection. Être inspiré par ces divinités, être appelé par elles à la jouissance des plaisirs dont elles sont la personnification, c’est là le constant objet de leurs prières. Et pour se les rendre propices et pour leur être agréable, qu’y avait-il de plus naturel que de s’exciter aux vices et aux passions dont chacun de ces dieux était devenu, par un légitime retour, le père et le protecteur, comme il en avait été auparavant l’image et la représentation ?

Une fois lancé dans cette voie, où pouvait-on s’arrêter ? Chaque jour on inventait quelque nouvelle divinité pour correspondre à quelque nouvelle passion à laquelle on avait succombé. Aujourd’hui c’était la sensibilité qui triomphait et qui peuplait la terre d’une série d’idoles en rapport avec la variété des infâmes plaisirs que l’impudicité traîne après elle ; un autre jour, c’était la peur qui plaçait des divinités farouches au haut des collines ombragées ou dans les sombres vallons, divinités implacables qui ne pouvaient être apaisées que par des victimes humaines. L’homme égorgeait alors son semblable, après l’avoir engraissé pour le sacrifier, et des pères venaient pousser dans le feu leur fils ou leur fille pour calmer la fureur du dieu irrité.