Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/41

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Et qu’on ne pense pas qu’aucune occasion de s’amender, de se corriger, de s’arrêter, ne fût offerte au monde égaré ! Un Abraham, un Isaac avaient protesté par leur propre exemple contre les sacrifices humains ; ils avaient montré le Dieu-un, le vrai Dieu arrêtant le bras prêt à frapper l’auguste et innocente victime ; un Abraham, un Isaac, un Jacob, avaient passé et repassé dans ces contrées qui étaient alors comme autant de pépinières d’idoles ; ils avaient montré au roi des Philistins, à celui d’Égypte, aux habitants de la vallée de Sodome, à ceux de la Chaldée, de la Mésopotamie, de la Palestine, à tous ils avaient presque fait toucher du doigt l’erreur profonde dans laquelle ils vivaient. Un instant même une lueur d’espoir avait surgi à l’horizon : Abimélech reconnaît deux fois de suite la suprématie du Dieu des patriarches ; Malchi-Zédek, roi de Salem, se voue à son culte ; Laban et Bathuel s’inclinent devant sa volonté ; Pharaon finit par s’humilier devant sa toute-puissance. Mais en vain ! Les ténèbres se reforment bientôt ; la lumière répandue s’éteint ; le monde reste plongé dans l’erreur, et, quand Moïse conduit les Israélites au pied du Sinaï, la plus grossière idolâtrie règne sans partage autour de lui.

D’où vient-il que l’Unité de Dieu, si souvent, comme on le voit, attestée aux hommes, n’ait pas pu pénétrer plus avant dans leur cœur ? C’est qu’elle n’avait pas trouvé jusqu’à Moïse sa véritable base qui est la croyance à l’immatérialité de Dieu. Après chaque punition, après chaque catastrophe qui s’appesantissait sur les hommes corrompus de cette époque, comme après chaque nouvelle bénédiction dont étaient comblés les patriarches, on sentait forcément que les dieux que l’on adorait n’étaient rien en comparaison du Dieu qui savait commander aux éléments avec un si puissant empire et accorder à ses fidèles tant de sortes de biens. Mais il eût fallu sentir quelque chose de plus, il eût