Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/42

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fallu se persuader que la véritable supériorité de ce Dieu consistait en ce qu’il était un Dieu esprit, n’ayant en lui absolument rien de matériel et ne pouvant être représenté par rien en ce monde. Avec ce principe, avec cette notion d’immatérialité, l’unité lui aurait été attribuée du même coup. Un Dieu immatériel est naturellement un Dieu-un. C’est ce que l’on ne fit pas, et faute de cela on retomba chaque fois de la hauteur, même relative, où l’on était parvenu. Il en arrive toujours ainsi dans le domaine de la religion qui s’étend du ciel à la terre et les lie l’un à l’autre ; il ne se trouve point entre eux de milieu, d’espace intermédiaire où l’on puisse s’arrêter, et si l’on ne s’élance pas immédiatement jusqu’à la conception de Dieu dans ce qu’il a de spirituel et d’incorporel, on retourne bientôt au matérialisme, on retombe dans l’idolâtrie. Le Seigneur est un Dieu jaloux qui ne peut souffrir que l’on reporte, même involontairement, sur les objets et les êtres sortis de ses mains, un culte qui ne doit s’adresser qu’à lui seul. Il faut choisir entre lui et Baal.

D’ailleurs, veut-on avoir une preuve de l’impossibilité qui existe pour l’Unité de Dieu de se conserver parmi les hommes si elle ne trouve pas dans leur cœur, pour en faire sa base, la croyance à l’immatérialité du Créateur ? Que l’on prenne les premiers Hébreux, ceux qui avaient gémi sous l’oppression égyptienne et que Moïse avait été obligé de condamner plus tard, sur l’ordre de Dieu, à mourir dans le désert. Certainement le nom de l’Éternel ne leur était pas inconnu ; une tradition constante et non interrompue depuis Abraham en avait transmis le souvenir de père en fils : « Ainsi tu diras aux enfants d’Israël : le Dieu de vos pères m’est apparu[1] ». Cependant il fallut que Moïse opérât des miracles devant eux pour leur donner con-

  1. Exode, chap. III, v. 16.