Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/43

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fiance en ce Dieu qui ne voulait rien moins que les retirer de leur esclavage, briser leurs chaînes de servitude, faire d’eux des hommes libres et heureux. Ce n’est pas tout. Après les nombreux miracles opérés en leur faveur et déjà, au lendemain de la révélation, ne les vit-on pas s’agenouiller devant un veau d’or et le décorer du pompeux titre de libérateur du peuple hébreu[1] ? le sens de la primitive tradition s’était donc trouvé bien sensiblement altéré, pour qu’on pût aussi étrangement méconnaître le caractère du Dieu libérateur ! Et cela eut lieu chez les descendants directs d’Abraham, deux cents ans à peine après la mort de Jacob, quand tout devait encore parler de ce saint patriarche, de ses fils, de Joseph, et qu’il existait peut-être des hommes dont la jeunesse avait touché aux dernières années de ce grand ministre ! Comment la vraie notion de Dieu avait-elle pu s’obscurcir aussi vite ? C’est qu’apparemment elle n’avait jamais été comprise par la masse des Hébreux dans toute sa portée, dans ce qu’elle contenait d’essentiellement vrai sur la nature de Dieu considéré comme Être incorporel, immatériel. Si quelques esprits d’élite avaient atteint à cette hauteur de conception, il n’en était pas de même de la grande majorité du peuple, que la condition dégradante où elle croupissait en Égypte exposait à subir toutes sortes de mauvaises influences.

On doit donc en convenir, c’était là surtout ce qu’il fallait faire comprendre aux Israélites. Qu’eût-il servi de leur dire de nouveau que l’Éternel est unique dans l’univers ; qu’aucun des dieux créés par l’imagination et sculptés par la main des hommes ne peut lui être comparé ; qu’il leur est supérieur en force, en grandeur, en majesté, en sagesse et en puissance, si, en même temps, on n’eût pas cherché à leur persuader que ce Dieu se

  1. Exode, chap. XXXII, v. 4.