Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/420

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prospérité générale ; que lui, de son côté, qui a reçu le savoir ou la fortune en partage, les mette à ma disposition comme moi je mets journellement mes bras à la sienne ; qu’un échange se fasse entre lui et moi ; j’aide à lui fournir ses besoins matériels ; qu’il m’aide à satisfaire à mes besoins moraux, et intellectuels je m’entretiens du prix de mon travail ; qu’il réclame le prix du sien également pour s’entretenir. Mais, pour l’amour de Dieu, qu’il ne me laisse pas croupir dans l’ignorance, qu’il ne garde pas pour lui seul les trésors de science qu’il a pu amasser. Égoïste d’un autre temps, qu’il ne me refuse pas de connaître, à mon tour, ce précieux avantage qui constitue les charmes de la vie et la vraie splendeur de la vertu, deux choses qui ne se révèlent jamais à une intelligence complètement inculte. Nous y gagnerons tous : lui, moi et même la patrie qui possèdera des enfants à la fois instruits et doués de bons sentiments.

Le droit à l’instruction existe donc bien véritablement. Mais quand on y a satisfait, tout est-il fini entre la patrie et le citoyen, et réciproquement de citoyen à citoyen ? Rigoureusement, oui. La stricte justice n’en demande pas davantage. Mais la charité se contente-t-elle de si peu ? Car c’est encore peu pour elle que d’avoir aidé à la diffusion des lumières. Tel homme, quelque instruit qu’il soit, ne sait pas toujours tenir habilement le gouvernail de ses actions. D’une part l’inexpérience, de l’autre l’entraînement et la passion, quelquefois l’impossibilité matérielle de vivre dignement faute de moyens pécuniaires, tout cela contrebalance bien souvent les bienfaits de l’instruction et même les neutralise en quelque sorte. En d’autres termes, la contagion du vice et les écueils de la pauvreté ne sont pas de ces minces obstacles qui puissent s’effacer comme d’eux-mêmes te disparaître devant les progrès de l’esprit humain. Sans doute,