Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/421

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à mesure que la raison se développe et s’éclaire, la vertu a plus de chanees de s’accréditer parmi les hommes. Mais que de chutes auront encore lieu jusqu’au moment où elle sera complètement victorieuse. Quant à la pauvreté, elle est, hélas ! un abaissement[1] qui ne se nivelle pas du jour au lendemain. Nous oserions bien répéter après la Bible : « Les pauvres ne cesseront pas d’être dans » votre pays[2]. » Non, certes, que nous voulions, à l’imitation de François d’Assise, faire de la pauvreté presque une institution sociale, l’organiser dans l’État en bandes régulières, disciplinées, ayant leurs mendiants attitrés qui vont quêtant de maison en maison au profit de l’Ordre, et dans le but d’offrir à l’opulence une occasion de mérite. La parole biblique, interprétée de la sorte, a été très étrangement défigurée ; elle signifie tout simplement que l’inégalité des conditions durera probablement aussi longtemps que le monde, puisqu’elle est le résultat direct de l’inégalité native des aptitudes morales et intellectuelles parmi les hommes.

Mais c’est précisément parce que le Judaïsme a pressenti que la condition des pauvres ne sera pas de sitôt près de se transformer du tout au tout, et que, d’un autre côté, il a vu et calculé la lente marche avec laquelle la vertu et la vérité s’avancent vers leur triomphe final, qu’il insiste tant sur le devoir de témoigner de l’amour à celui qui se livre aveuglément à l’erreur et au vice, ou qui gémit dans l’étreinte cruelle de la pauvreté. « Réprimandez avec courage votre prochain, de peur que votre silence ne vous soit imputé à péché[3] ; soutenez votre frère qui tombe dans l’indigence ; prêtez-lui main-forte et donnez-lui à vivre[4] », voilà la double recommandation qu’il fait à ses fidèles. Et en dehors de ces devoirs, il n’y a effectivement plus

  1. Nous entendons le sens physique du mot.
  2. Deutéronome, chap. XV, v. 11.
  3. Lévitique, chap. XIX, v. 17.
  4. Lévitique, chap. XXV, v. 35.