Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/450

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pour les infidèles[1], il ne saurait entrer ici en ligne de comparaison avec Moïse et Jésus. Le sentiment de la solidarité, de la responsabilité morale qui doit tenir unis entre eux tous les hommes, n’importe leur plus ou moins de fidélité à la vérité religieuse, ce sentiment a complètement échappé à Mahomet. Jésus, élevé à meilleure école, l’a compris et en a fait une large application, quand il a dit : « Ce ne sont pas ceux qui sont en santé qui ont besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal. Je suis venu pour appeler à la repentance non les justes, mais les pécheurs[2]. » Mais Jésus a eu raison de ne pas revendiquer à cet égard la moindre primauté d’enseignement, ses paroles n’étant que l’amplification de ce précepte biblique : « Réprimande ton prochain et ne cesse de le réprimander, de peur qu’une négligence sur ce point ne te soit imputée à péché[3]. » Il est vrai, ajoutent les docteurs juifs, « que réprimander est quelquefois chose pénible. On est toujours prêt à vous dire : Mais avant de me parler de ce fétu de paille qui est dans mon œil, ôte la poutre qui est dans le tien[4]. » « N’importe, ne te lasse pas de reprendre ton prochain, car il est écrit deux fois de suite : Réprimande-le, réprimande-le. Une preuve que c’est là un strict et impérieux devoir[5]. »

Qui n’a reconnu dans ces dernières citations la propre source des célèbres paroles de Jésus tant vantées[6], et qui ne sont, comme on le voit, que la reproduction des maximes et des comparaisons de tout temps professées et employées dans les Écoles juives ?

Si, avec cela, Jésus avait aussi prêché franchement qu’il fallait

  1. Coran, chap. IX, v. 114.
  2. Luc, chap. V, v. 31 et 32.
  3. Lévit., chap. XIX, v. 17.
  4. Talmud, traité Eruchin, p. 16.
  5. Traité Baba Meziah, p. 31.
  6. Matth., chap. VII. v. 3.