Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/81

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d’êtres imaginaires aux ordres desquels l’Univers était censé obéir, que dans la négation de toute direction imprimée d’en haut à ce qui frappait le regard par la régularité successive de sa venue et de sa disparition.

Malgré cela, la doctrine juive a encore assez fait d’avoir réussi à remplacer ces dieux fictifs par le Dieu réel, vivant, que l’on a fini par accepter de ses mains et qui, aujourd’hui, de l’aveu unanime des nations policées, se trouve régir à lui seul le gouvernement du monde. Elle a su si bien parler de ce Dieu, que les deux religions qui sont venues après elle, n’ont rien trouvé de plus sage ni de plus propre à assurer leur avenir, que de lui emprunter les formes même de son langage. Tout, jusqu’à ces frappantes comparaisons qu’emploie le Judaïsme pour peindre les soins attentifs que prend de nous la Providence[1] se retrouve dans la bouche de Jésus comme dans celle de Mahomet. C’est ainsi que le premier a conservé, en y répandant encore la grâce particulière de sa parole, cette ravissante image du corbeau avec ses petits affamés, image qui revient deux fois sous la plume des écrivains de la Bible[2]. Le second a puisé tout aussi abondamment dans les charmants chapitres de poésie descriptive des psaumes et du livre de Job. « Ces plantes et les arbres qui, selon la hardie figure du Coran, adorent l’Éternel ; cette terre qui a été formée pour les hommes et qui est la mère de tous les fruits ; ces vœux qu’adresse à Dieu tout ce qui est sous le soleil[3] » ne sont-ce pas là les pensées mêmes du psalmiste ? Et ce « Dieu, occupé sans cesse des besoins de l’univers ; ce Dieu qui a créé la mort et la vie, qui règne dans les cieux et peut

  1. Voir notamment les psaumes CXLVII et CXLXIII.
  2. Comparez Job, chap. XXXVIII, vers la fin, et psaume CXLVIII avec Luc, chap. XII, v. 24, et Mathieu, chap VII, v. 26.
  3. Coran, chap. LV.