Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/84

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encore une fois ceux mêmes de la Bible[1], tant il est vrai que le Judaïsme n’a eu qu’à formuler, dans tous ses corollaires, sa pensée sur la science du Dieu-esprit dans le présent, pour la faire accepter par les peuples, qui, généralement, y étaient prédisposés par leurs croyances antérieures.

C’est donc sur la prescience divine, mais la prescience divine considérée dans ses rapports avec la liberté humaine que nous attendons le Judaïsme. C’est là, avons-nous dit, qu’il a été une véritable révélation. En effet, qu’avait-on pensé avant lui de ce délicat problème ? Quelle solution avait-on essayé d’en donner, surtout dans ce petit pays de la Grèce où l’intelligence humaine s’était élevée de bonne heure à une hauteur à laquelle n’avait su atteindre aucun des peuples de l’extrême Orient ?

Tout d’abord, les poètes de la Grèce avaient imaginé dans les régions les plus lointaines du ciel, au-delà même des dieux qu’ils chantaient, une sorte de puissance aveugle qui réglait les destinées des mortels, et les y faisait marcher contre leur gré sous l’action d’une implacable fatalité. Au fond, cette puissance, ce destin, n’était autre chose que la personnification de l’Infini que ces belles et grandes âmes avaient senti surgir en elles, sans qu’elles pussent l’appliquer à aucune des divinités adorées par le peuple. Bien plus, ces divinités elles-mêmes étaient soumises au destin, et c’est peut-être là ce qui fait le grand intérêt des tragédies grecques, et ce qui, en tout cas, en est le plus énergique ressort d’y voir jusqu’aux dieux lutter vainement contre le fatal décret. En présence d’une semblable puissance, aussi farouche qu’elle est incompréhensible, que restait-il à faire à l’homme ? Courber la tête et souffrir avec la résignation de la victime qu’on mène à l’autel. Il ne pouvait plus

  1. Comparez Job, ch. XXIV, v. 23 ; Ps., ch. XXXIII, v. 14 ; Zacharie, ch. IV, v. 10, et 2. Chronique, ch. XVI. v. 9.