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Page:Sismondi - Nouveaux Principes d’économie politique.djvu/357

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surer leur bonheur, c'est rendre heureuse la grande masse de la nation. Ils ont moins de jouissances que tous les autres, ils retirent moins d'avantages que tous les autres de l’ordre social ; ils font naître la richesse, et n'y ont eux-mêmes presque pas de part : obligés de lutter pour leur subsistance avec ceux qui les emploient, ils ne sont point leurs égaux en forces. Les maîtres et les ouvriers sont, il est vrai, réciproquement nécessaires les uns aux autres ; mais cette nécessité presse chaque jour l'ouvrier, elle donne du répit au fabricant ; le premier doit travailler pour vivre, le second peut attendre et vivre encore sans faire travailler. Qui ne serait pénétré d’une profonde douleur, quand il voit les ouvriers d’une ville manufacturière abandonner en corps leur ouvrage, parce que leurs maîtres sont résolus à ne point augmenter de nouveau des salaires qu'une année d'affreuse détresse avait fait baisser ; quand il les voit se résigner à toutes les privations, dans l'espérance de lasser enfin l'obstination des manufacturiers, et qu'il calcule en même temps que chaque jour détruit le petit capital d'une malheureuse famille, que la nudité, le froid et la faim menacent déjà, pendant que des années d'interruption ne feraient pas encore sentir au manufacturier les