Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/58

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tation de toutes les choses qui servent au soutien ou à l’agrément de la vie, leur fait naturellement contracter une extrême répugnance à se défaire de l’argent qu’ils possèdent, à moins qu’il ne s’agisse de pourvoir à un besoin ou de se procurer une jouissance. On dépense avec plaisir, mais il faut un effort pour payer une dette ; et celle qui coûte le plus à acquitter, parce que la valeur reçue en échange est moins aperçue et moins sensible pour tout le monde, c’est l’impôt. En attachant l’impôt à la chose consommable, en le confondant dans le prix de celle-ci, en faisant que le payement de la dette et la jouissance soient un seul et même acte, on fait en quelque sorte participer l’impôt à l’attrait que porte avec soi la consommation, et l’on fait naître dans l’esprit du consommateur le désir d’acquitter l’impôt. C’est au milieu de la profusion des repas que se payent, les taxes sur le vin, la bière, le sucre, le sel et les articles de ce genre, et le trésor public trouve une source de gain dans les provocations à la dépense qui sont excitées par l’abandon et la gaieté des fêtes.

Un autre avantage de même nature en faveur de l’impôt indirect ou de consommation, c’est son extrême divisibilité et la facilité donnée au contribuable de s’acquitter jour par jour et même d’une minute à l’autre. L’artisan qui soupe d’une partie du salaire de sa journée, satisfait quelquefois en un quart d’heure à quatre ou cinq payements divers de l’impôt.

Dans la perception directe, l’impôt se montre sans nul déguisement ; il vient sans être attendu, à cause de l’imprévoyance si ordinaire au commun des hommes, et il apporte toujours avec lui de la gêne et du découragement.

Toutes ces considérations sont négligées par les partisans de la perception directe ; et cependant, quiconque a réfléchi sur l’art de gouverner les hommes, peut juger de ce qu’elles ont d’importance.

Mais ce n’est peut-être pas tout encore. L’impôt indirect, en ajoutant successivement un surcroît de prix aux articles de consommation générale et journalière, au moment où tous les membres de la société ont contracté l’habitude de ces consommations, rend ces divers articles un peu plus coûteux à acquérir, c’est-à-dire qu’il donne lieu à ce qu’il faille, pour se les procurer, un surcroît proportionné de travail et d’industrie. Or, si cet impôt est mesuré de manière à ne pas aller jusqu’à décourager la consommation, ne semble-t-il pas, dans ce cas, agir comme un stimulant universel sur la partie active