Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/106

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très-différente de la balance du commerce, et qui occasionne, selon qu’elle se trouve être favorable ou défavorable, la prospérité ou la décadence d’une nation. C’est la balance entre le produit annuel et la consommation. Comme on l’a déjà observé, si la valeur échan­geable du produit annuel excède celle de la consommation annuelle, le capital doit nécessairement grossir annuellement en proportion à cet excédent. Dans ce cas, la société vit sur ses revenus, et ce qu’elle en épargne annuellement s’ajoute naturelle­ment à son capital, et s’emploie de manière à faire naître encore un nouveau surcroît dans le produit annuel. Si, au contraire, la valeur échangeable du produit annuel est au-dessous de la consommation annuelle, le capital de la société doit dépérir annuel­le­ment en proportion de ce déficit. Dans ce cas, la société dépense au-delà de ses revenus, et nécessairement entame son capital. Son capital doit donc nécessairement aller en diminuant, et avec lui en même temps la valeur échangeable du produit annuel de l’industrie nationale.

Cette balance de la production et de la consommation diffère totalement de ce qu’on nomme la balance du commerce. Elle pourrait s’appliquer à une nation qui n’aurait point de commerce étranger, mais qui serait entièrement isolée du reste du monde. Elle peut s’appliquer à la totalité des habitants du globe pris en masse, dont la richesse, la population et les progrès dans les arts et l’industrie peuvent aller en croissant par degrés, ou en déclinant de plus en plus.

La balance entre la production et la consommation peut être constamment en fa­veur d’une nation, quoique ce qu’on appelle la balance du commerce soit, en général, contre elle. Il est possible qu’une nation importe pendant un demi-siècle de suite pour une plus grande valeur que celle qu’elle exporte ; l’or et l’argent qu’on lui apporte pendant tout ce temps peut être en totalité immédiatement envoyé au-dehors ; la quan­tité d’argent en circulation chez elle peut aller toujours en diminuant successi­vement, et céder la place à différentes sortes de papier-monnaie ; les dettes même qu’elle contracte envers les autres nations avec lesquelles elle fait ses principales affaires de commerce peuvent aller toujours en grossissant, et cependant, malgré tout cela, pendant la même période, sa richesse réelle, la valeur échangeable du produit annuel de ses terres et de son travail, aller toujours en augmentant dans une proportion beau­coup plus forte. Pour prouver qu’une telle supposition n’est nullement impossible, il suffit de jeter les yeux sur