Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/142

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Dans un pays à blé d’une grande étendue, entre les différentes parties duquel il y a liberté de communication et de commerce, jamais la disette causée par les plus mauvaises années ne peut être assez grande pour amener une famine ; et la plus misérable récolte, ménagée avec économie et avec frugalité, fera subsister, pendant toute l’année, le même nombre de gens qui, dans les années d’abondance moyenne, sont nourris plus largement. Les années les plus contraires au blé, ce sont celles d’une excessive sécheresse, ou celles qui sont excessivement pluvieuses. Or, comme le blé croît également sur les terres basses et sur les terres élevées, sur des terres qui sont situées de manière à être trop humides et sur celles qui sont trop exposées à la sécheresse, il s’ensuit que les pluies ou les sécheresses qui sont contraires à certains cantons du pays sont favorables à d’autres, et que si, dans les années de pluie ou de sécheresse, la récolte se trouve, il est vrai, de beaucoup au-dessous de ce qu’elle est dans une année convenablement tempérée, cependant, même dans celles-là, ce qui est perdu dans une des parties du pays se trouve, jusqu’à un certain point, compensé par ce qu’on gagne dans l’autre. Dans les pays à riz, où la récolte exige non-seulement un terrain très-humide, mais où elle a besoin même, dans une certaine période de sa croissance, d’être ensevelie sous l’eau, les effets d’une sécheresse sont bien plus pernicieux. Toutefois, même dans ces contrées, la sécheresse n’est peut-être jamais assez générale pour y occasionner nécessairement une famine, si le gouvernement laisse au commerce sa liberté. La sécheresse qui eut lieu au Bengale, il y a quelques années, aurait vraisemblablement occasionné une très-grande disette. Quelques règlements impropres, quelques entraves absurdes mises, par les facteurs de la Compagnie des Indes, au commerce du riz, sont peut-être ce qui a contribué à changer cette disette en une famine.

Quand le gouvernement, pour remédier aux inconvénients d’une cherté, oblige tous les vendeurs de blé à vendre leur marchandise à ce qu’il lui plaît d’appeler un prix raisonnable, alors, ou il les empêche de porter leur blé au marché, ce qui peut quelquefois causer une famine, même dans le commencement de l’année, ou bien, s’ils l’y portent, il met le peuple dans le cas de consommer ce blé si vite, et il encourage dès lors tellement la consommation, qu’il doit nécessairement amener une famine avant la fin de l’année. Le commerce de blé sans restriction, sans gênes, sans limites, qui est le préservatif le plus efficace con-