Aller au contenu

Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tre les malheurs d’une famine, est aussi le meilleur palliatif des inconvénients d’une disette réelle ; il ne peut y avoir que des adoucissements. Aucun commerce ne mérite mieux la protection la plus entière de la loi, et aucun commerce n’en a autant besoin, parce qu’il n’y en a aucun qui soit aussi exposé à l’animosité populaire.

Dans les années de disette, les classes inférieures du peuple imputent leur détresse à l’avarice du marchand de blé, qui devient l’objet de leur haine et de leur fureur. Aussi, au lieu de faire des profits dans ces occasions, il est souvent en danger d’être totalement ruiné, et d’avoir ses magasins pillés et détruits par leurs violences. C’est cependant dans les années de disette, quand le prix est élevé, que le marchand de blé s’attend à réaliser ses plus grands profits. En général, il a des marchés passés avec des fermiers, pour lui fournir une certaine quantité de blé à un prix fixe, pour un nombre d’années déterminé[1]. Ce prix de contrat s’établit sur ce qu’on suppose le prix modéré et raisonnable, c’est-à-dire le prix ordinaire ou moyen, lequel, avant ces dernières années de disette, était communément environ de 28 schellings le quarter de blé froment, et, pour les autres grains, à proportion. Ainsi, dans les années de disette, le marchand de blé achète une grande partie de son blé au prix ordinaire, et le revend à un prix beaucoup plus élevé. Ce qui démontre pourtant assez clairement que ce profit extraordinaire n’excède pas ce qu’il faut pour porter son commerce au niveau des autres commerces et pour compenser les pertes nombreuses qu’il a à essuyer dans d’autres circonstances, tant à cause de la nature périssable de la marchandise en elle-même, qu’à cause des variations fréquentes et imprévues de son prix, c’est cette seule observation, que les grandes fortunes ne sont pas plus communes dans ce négoce que dans tout autre. Cependant, la haine populaire à laquelle il est en butte dans les années de disette, les seules années où il puisse être très-lucratif, en éloigne tous les gens qui ont de la fortune et quelque considération dans la société. Il est abandonné à une classe inférieure de marchands, et les seules gens à peu près qui soient, dans le marché intérieur, des intermédiaires entre

  1. Cette méthode, si elle a été pratiquée du temps d’Adam Smith, ne l’est plus aujourd’hui, du moins comme méthode ordinaire. Mac Culloch.