Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/192

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clusive, qui seule avait le droit tant d’acheter le produit surabondant des colons, que de leur fournir toutes les marchandises étrangères dont ils avaient besoin, et qui non-seulement avait la faculté de les opprimer dans ses achats ainsi que dans ses ventes, mais encore avait le plus grand intérêt à le faire. Le gouvernement d’une compagnie exclusive de marchands est peut-être, pour un pays quelconque, le pire de tous les gouvernements. Cependant, ce funeste régime ne fut pas encore capable d’arrêter totalement les progrès de ces colonies, quoiqu’il les ait rendus plus lents et plus languissants. Le feu roi de Danemark supprima cette compagnie, et depuis ce temps ces colonies ont extrêmement prospéré.

Les établissements des Hollandais dans les Indes occidentales, aussi bien que ceux des Indes orientales, ont été mis, dès leur origine, sous le régime d’une compagnie exclusive. En conséquence, les progrès de quelques-uns d’eux, quoique rapides si on les compare aux progrès de presque tout autre pays cultivé et peuplé d’ancienne date, ont néanmoins été languissants et tardifs, en comparaison de ceux de la plupart des colonies nouvelles. La colonie de Surinam, quoique très-considérable, est cependant encore inférieure à la plupart des colonies à sucre des autres nations de l’Europe. La colonie de la Nouvelle-Belgique, qui forme aujourd’hui les deux provinces de New-York et de New-jersey, serait aussi devenue probablement bientôt une colonie importante, même quand elle serait restée sous le gouvernement des Hollandais. La grande quantité et le bon marché de bonnes terres sont des causes si puissantes de prospérité, que même le plus mauvais gouvernement est à peine capable d’arrêter totalement leur activité ; et puis, la distance de la mère patrie eût mis les colons à portée d’échapper plus ou moins, par la contrebande, au monopole dont la compagnie jouissait contre eux. À présent, la compagnie permet à tout vaisseau hollandais de commercer à Surinam, en payant, pour cette permission, 2 et demi pour 100 de la valeur de la cargaison, et elle se réserve seulement le monopole exclusif du commerce direct d’Afrique en Amérique, qui consiste presque entièrement dans la traite des esclaves. Cette modification des privilèges exclusifs de la compagnie est vraisemblablement la cause principale du degré de prospérité dont jouit actuellement cette colonie. Curaçao et Saint-Eustache, les deux îles principales qui appartiennent aux Hollandais, sont des ports francs ouverts aux vaisseaux de toutes les nations ; et une telle franchise, au milieu d’autres colonies meilleures, mais dont les ports ne sont ouverts qu’à une