Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/195

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substitués et inaliénables. Les colonies françaises, il est vrai, sont régies par la coutume de Paris, qui est beaucoup plus favorable aux puînés que la loi d’Angleterre, dans la succession des immeubles. Mais, dans les colonies françaises, si une partie quelconque d’un bien noble ou tenu à titre de foi et hommage est aliénée, elle reste assujettie, pendant un certain temps, à un droit de retrait ou rachat, soit envers l’héritier du seigneur, soit envers l’héritier de la famille, et tous les plus gros domaines du pays sont tenus en fief, ce qui gêne nécessairement les aliénations. Or, dans une colonie nouvelle, une grande propriété inculte sera bien plus promptement divisée par la voie de l’aliénation que par celle de la succession. La quantité et le bon marché des bonnes terres, comme on l’a déjà observé, sont les principales sources de la prospérité rapide des colonies nouvelles. Or, la réunion des terres en grandes propriétés détruit, par le fait, et cette quantité et ce bon marché. D’ailleurs, la réunion des terres incultes en grandes propriétés est ce qui s’oppose le plus à leur amélioration. Or, le travail qui est employé à l’amélioration et à la culture des terres est celui qui rend à la société le produit le plus considérable en quantité et en valeur. Le produit du travail, dans ce cas, paye non-seulement ses propres salaires et le profit du capital qui le met en œuvre, mais encore la rente de la terre sur laquelle il s’exerce. Ainsi, le travail des colons anglais étant employé, en plus grande quantité, à l’amélioration et à la culture des terres, est dans le cas de rendre un plus grand produit, et un produit d’une plus grande valeur que le travail de ceux d’aucune des trois autres nations, lequel, par le fait de l’accaparement de la terre, se trouve plus ou moins détourné vers des emplois d’une autre nature.

Troisièmement, il est à présumer, non-seulement que le travail des colons anglais rend un produit plus considérable en quantité et en valeur, mais encore que, vu la modicité des impôts, il leur reste une portion plus grande de ce produit, portion qu’ils peuvent capitaliser et employer à entretenir un nouveau surcroît de travail. Les colons anglais n’ont pas encore payé la moindre contribution pour la défense de la mère patrie ou pour l’entretien de son gouvernement civil. Au contraire, jusqu’à présent les frais de leur propre défense ont été presque entièrement à la charge de la métropole. Or, la dépense qu’exigent l’armée et la marine est, sans aucune proportion, plus forte que celle de l’entretien du gouvernement civil. D’ailleurs, la dépense de leur gouvernement civil a toujours été très-modique. Elle s’est bornée, en général, à ce qu’il fallait pour payer