Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/221

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prix de ce produit graduellement accumulé par une sage économie, et employé à faire naître toujours un nouveau surcroît de produit. Mais le capital qui a servi à cultiver et à améliorer les colonies à sucre de l’Angleterre a été en grande partie envoyé d’Angleterre, et ne peut nullement être regardé comme le produit seul du territoire et de l’industrie des colons. La prospérité des colonies à sucre de l’Angleterre a été, en grande partie, l’effet des immenses richesses de l’Angleterre, dont une partie, débordant pour ainsi dire de ce pays, a reflué dans les colonies ; mais la prospérité des colonies à sucre de la France est entièrement l’œuvre de la bonne conduite des colons, qui doit, par conséquent, l’avoir emporté de quelque chose sur celle des colons anglais ; et cette supériorité de bonne conduite s’est par-dessus tout fait remarquer dans leur manière de traiter les esclaves.

Tel est, en raccourci, le tableau général de la politique suivie par les différentes nations de l’Europe, relativement à leurs colonies.

La politique de l’Europe n’a donc pas trop lieu de se glorifier, soit de l’établissement primitif des colonies de l’Amérique, soit de leur prospérité ultérieure, en ce qui regarde le gouvernement intérieur qu’elle leur a donné.

L’extravagance et l’injustice sont, à ce qu’il semble, les principes qui ont conçu et dirigé le premier projet de l’établissement de ces colonies ; l’extravagance qui faisait courir après des mines d’or et d’argent, et l’injustice qui faisait convoiter la possession d’un pays dont les innocents et simples habitants, bien loin d’avoir fait aucun mal aux Européens, les avaient accueillis avec tous les témoignages possibles de bonté et d’hospitalité, quand ils avaient paru pour la première fois dans cette partie du monde.

À la vérité, les aventuriers qui ont formé quelques-uns des derniers établissements ont joint au projet chimérique de découvrir des mines d’or et d’argent d’autres motifs plus raisonnables et plus louables ; mais ces motifs mêmes font encore très-peu d’honneur à la politique de l’Europe.

Les puritains anglais, opprimés dans leur patrie, s’enfuirent en Amérique pour y trouver la liberté, et ils y établirent les quatre gouvernements de la Nouvelle-Angleterre. Les catholiques anglais, traités avec encore bien plus d’injustice, fondèrent celui de Maryland ; les quakers, celui de Pensylvanie. Les juifs portugais, persécutés par l’Inquisition, dépouillés de leur fortune et bannis au Brésil, introduisirent, par leur