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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/222

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exemple, quelque espèce d’ordre et d’industrie parmi les brigands déportés et les prostituées dont la colonie avait été peuplée originairement, et ils leur enseignèrent la culture de la canne à sucre. Dans toutes ces différentes circonstances, ce ne fut pas par leur sagesse et leur politique, mais bien par leurs désordres et leurs injustices que les gouvernements de l’Europe contribuèrent à la population et à la culture de l’Amérique.

Les divers gouvernements de l’Europe ne peuvent pas plus prétendre au mérite d’avoir donné naissance à quelques-uns des plus importants de ces établissements, qu’à celui d’en avoir conçu le dessein.

La conquête du Mexique ne fut pas un projet imaginé par le conseil d’Espagne, mais par un gouverneur de Cuba ; et ce projet fut mis à exécution par le génie hardi et entreprenant de l’aventurier qui en fut chargé, en dépit de tout ce que put faire pour le traverser ce même gouverneur, qui se repentit bientôt d’avoir confié cette entreprise à un pareil homme. Les conquérants du Chili et du Pérou, et de presque tous les autres établissements espagnols sur le continent américain, n’emportèrent avec eux d’autre encouragement de la part du gouvernement, qu’une permission générale de faire des établissements et des conquêtes au nom du roi d’Espagne. Les hasards de toutes ces entreprises étaient aux risques et aux frais personnels de ces aventuriers ; à peine le gouvernement d’Espagne contribua-t-il pour la moindre chose à aucune des dépenses. Celui d’Angleterre n’a pas fait plus de frais pour la création des établissements qui forment aujourd’hui quelques-unes de ses plus importantes colonies de l’Amérique septentrionale.

Quand ces établissements furent formés et quand ils furent devenus assez considérables pour attirer l’attention de la mère patrie, les premiers règlements qu’elle fit à leur égard eurent toujours pour objet de s’assurer le monopole de leur commerce, de resserrer leur marché, d’agrandir le sien à leurs dépens et, par conséquent, de décourager et de ralentir le cours de leur prospérité, bien loin de l’exciter et de l’accélérer. Les diverses manières dont a été exercé ce monopole sont ce qui constitue une des différences les plus essentielles entre les systèmes politiques suivis par les différentes nations de l’Europe, à l’égard de leurs colonies. Tout ce qu’on peut dire du meilleur de ces systèmes, celui de l’Angleterre, c’est qu’il est seulement un peu moins mesquin et moins oppressif qu’aucun de ceux des autres nations.