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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/228

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monopole dont jouit l’Angleterre sur cette denrée, revient certainement à meilleur marché à l’Angleterre qu’il ne peut revenir à la France, à qui l’Angleterre en vend ordinairement une partie considérable. Mais si la France et tous les autres pays de l’Europe eussent eu, dans tous les temps, la faculté de commercer librement au Maryland et à la Virginie, le tabac de ces colonies aurait pu, pendant cette période, se trouver revenir à meilleur compte qu’il ne revient actuellement, non-seulement pour tous ces autres pays, mais aussi pour l’Angleterre elle-même. Au moyen d’un marché qui eut été si fort étendu au-delà de celui dont il a joui jusqu’à présent, le produit du tabac aurait pu tellement s’accroître, et probablement même se serait tellement accru pendant cette période, qu’il aurait réduit les profits d’une plantation de tabac à leur niveau naturel avec ceux d’une terre à blé, au-dessus desquels ils sont encore, à ce que l’on croit ; durant cette période, le prix du tabac eût pu tomber, et vraisemblablement serait tombé un peu plus bas qu’il n’est à présent. Une pareille quantité de marchandises, soit d’Angleterre, soit de ces autres pays, aurait acheté, dans le Maryland et dans la Virginie, plus de tabac qu’elle ne peut en acheter aujourd’hui, et ainsi elle y aurait été vendue à un prix d’autant meilleur. Par conséquent, si l’abondance et le bon marché de cette plante ajoutent quelque chose aux jouissances et à l’industrie de l’Angleterre ou de tout autre pays, ce sont deux effets qu’ils auraient vraisemblablement produits à un degré un peu plus considérable qu’ils ne font aujourd’hui, si la liberté du commerce eût eu lieu. À la vérité, dans cette supposition, l’Angleterre n’aurait pas eu d’avantage sur les autres pays ; elle aurait bien acheté le tabac de ses colonies un peu meilleur marché qu’elle ne l’achète et, par conséquent, aurait vendu quelques-unes de ses propres marchandises un peu plus cher qu’elle ne fait à présent ; mais elle n’aurait pas pu pour cela acheter l’un meilleur marché, ni vendre les autres plus cher que ne l’eût fait tout autre pays ; elle aurait peut-être gagné un avantage absolu, mais bien certainement elle aurait perdu un avantage relatif.

Cependant, en vue de se donner cet avantage relatif dans le commerce des colonies, en vue d’exécuter un projet de pure malice et de pure jalousie, celui d’exclure, autant que possible, toutes les autres nations de la participation à ce commerce, l’Angleterre a, selon toute apparence, non-seulement sacrifié une partie de l’avantage absolu qu’elle devait retirer, en commun avec toutes les autres nations, de ce commerce particulier, mais encore elle s’est assujettie, dans presque toutes