Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/255

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tants ou modérés affectent différemment le caractère et la conduite des commerçants. Les négociants de Londres, il est vrai, ne sont pas encore devenus, en général, d’aussi magnifiques seigneurs que ceux de Cadix et de Lisbonne, mais ils ne sont pas non plus, en général, des bourgeois rangés et économes, comme les négociants d’Amsterdam. Cependant, plusieurs d’entre eux passent pour être de beaucoup plus riches que la plupart des premiers, et pas tout à fait aussi riches que beaucoup de ces derniers. Mais le taux de leur profit est d’ordinaire bien plus bas que celui des premiers, et de beaucoup plus élevé que celui des autres. Ce qui vient vite s’en va de même, dit le proverbe ; et c’est bien moins sur le moyen réel qu’on a de dépenser, que sur la facilité avec laquelle on voit venir l’argent, qu’on règle partout, à ce qu’il semble, le ton de sa dépense.

C’est ainsi que l’unique avantage que le monopole procure à une classe unique de personnes est, de mille manières différentes, nuisible à l’intérêt général du pays.

Aller fonder un vaste empire dans la vue seulement de créer un peuple d’acheteurs et de chalands, semble, au premier coup d’œil, un projet qui ne pourrait convenir qu’à une nation de boutiquiers. C’est cependant un projet qui accommoderait extrêmement mal une nation toute composée de gens de boutique, mais qui convient parfaitement bien à une nation dont le gouvernement, est sous l’influence des boutiquiers. Il faut des hommes d’État de cette espèce, et de cette espèce seulement, pour être capable de s’imaginer qu’ils trouveront de l’avantage à employer le sang et les trésors de leurs concitoyens à fonder et à soutenir un pareil empire. Allez dire à un marchand tenant boutique : Faites pour moi l’acquisition d’un bon domaine, et moi j’achèterai toujours mes habits à votre boutique, quand je devrais même les payer un peu plus cher que chez les autres ; vous ne lui trouverez pas un grand empressement à accueillir votre proposition. Mais si quelque autre personne consentait à acheter un pareil domaine pour vous, le marchand serait fort aise qu’on imaginât de vous imposer la condition d’acheter tous vos habits à sa boutique. L’Angleterre a acheté un vaste domaine dans un pays éloigné, pour quelques-uns de ses sujets qui ne se trouvaient pas commodément chez elle. Le prix n’en a pas été, à la vérité, bien cher, et au lieu de payer ce fonds au denier 30 du produit, qui est à présent le prix courant des terres, elle n’a eu guère autre chose à donner que la dépense des différents équipements des vaisseaux qui ont fait la première découverte, qui ont reconnu la côte, et qui ont pris une posses-