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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/256

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sion fictive du pays. La terre était bonne et fort étendue, et les cultivateurs, ayant en abondance de bons terrains à faire valoir, et étant restés un certain temps les maîtres de vendre leur produit partout où il leur plaisait, sont devenus, dans l’espace de trente ou quarante ans à peu près (entre 1620 et 1660), si nombreux et si prospères, que les gens de boutique et autres industriels et commerçants de l’Angleterre ont conçu l’envie de s’assurer le monopole de leur pratique. Ainsi, quoiqu’ils ne prétendissent pas avoir rien payé ou pour l’acquisition primitive du fonds, ou pour les dépenses postérieures de l’amélioration, ils n’en ont pas moins présenté au parlement leur pétition, tendant à ce que les cultivateurs de l’Amérique fussent à l’avenir bornés à leur seule boutique, d’abord pour y acheter toutes les marchandises d’Europe dont ils auraient besoin, et secondement pour y vendre toutes les différentes parties de leur produit que ces marchands jugeraient à propos d’acheter ; car ils ne pensaient pas qu’il leur convînt d’acheter toutes les espèces de produits de ce pays. Il y en avait certaines qui, importées en Angleterre, auraient pu faire concurrence à quelqu’un des trafics qu’ils y faisaient eux-mêmes. Aussi, quant à ces espèces particulières, ils ont consenti volontiers que les colons les vendissent où ils pourraient ; le plus loin était le meilleur ; et pour cette raison ils ont proposé que ce marché fût borné aux pays situés au sud du cap Finistère. Ces propositions, vraiment dignes de boutiquiers, ont passé en loi par une clause insérée dans le fameux Acte de navigation.

Jusqu’à présent, le soutien de ce monopole a été le principal, ou, pour mieux dire, peut-être le seul but et le seul objet de l’empire que la Grande-Bretagne s’est attribué sur ces colonies. C’est dans le commerce exclusif, à ce qu’on suppose, que consiste le grand avantage de provinces qui jamais encore n’ont fourni ni revenu ni force militaire pour le soutien du gouvernement civil ou pour la défense de la mère patrie. Le monopole est le signe principal de leur dépendance, et il est le seul fruit qu’on ait recueilli jusqu’ici de cette dépendance. Dans le fait, toute la dépense que la Grande-Bretagne a pu faire jusqu’à ce moment pour maintenir cette dépendance a été consacrée au soutien de ce monopole. Avant le commencement des troubles actuels, la dépense de l’établissement ordinaire des colonies pendant la paix consistait dans la solde de vingt régiments d’infanterie, dans les frais d’artillerie, de munitions et de provisions extraordinaires qu’exigeait leur entretien, et dans les frais d’une force navale très-considérable, constamment sur