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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/298

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législature ces exemptions, tout comme il a fait de la plupart de nos autres règlements de commerce. Elles sont néanmoins parfaitement justes et raisonnables, et si l’on pouvait, sans nuire aux besoins de l’État, les étendre à toutes les autres matières de manufactures, certainement le public ne pourrait qu’y gagner[1].

Néanmoins, l’avidité de nos gros manufacturiers a, dans certains cas, étendu ces exemptions beaucoup au-delà de ce qu’on peut justement regarder comme pure matière première de leur manufacture. Par le statut de la vingt-quatrième année de Georges II, chap. xlvi, un léger droit d’un denier par livre seulement avait été établi sur l’importation des fils écrus ou roux de l’étranger, au lieu de droits beaucoup plus forts auxquels ils étaient assujettis auparavant, savoir : de 6 deniers par livre sur le fil de voiture, d’une schelling par livre sur les fils de France et de Hollande, et de 2 livres 13 sous 4 deniers par quintal sur le fil de Russie. Mais nos manufacturiers ne furent pas longtemps satisfaits de cette réduction. Par le statut de la vingt-neuvième année du même roi, chapitre xv (la même loi qui accorde une prime à l’exportation des toiles d’Angleterre et d’Irlande dont le prix n’excéde-

  1. L’absurdité et l’injustice paraissent être les principaux éléments dont se compose le système mercantile, réprouvé d’ailleurs aujourd’hui par tout le monde, excepté par ceux qui, en politique, admirent tout ce qui est vieux, et sans autre raison que parce que c’est vieux. C’est une chose étrange que, dans un pays où tout le monde condamne les restrictions commerciales, on fasse si peu pour arriver à leur abolition complète. On est d’accord que le système entier est un tissu de préjugés et d’absurdités ; que les restrictions qu’il impose sont contre les intérêts de la communauté ; que dans la plupart des cas elles sont préjudiciables aux intérêts même de ceux en faveur desquels elles ont été établies ; et pourtant elles existent toujours. Il ne serait peut-être pas convenable de les abolir d’un coup ; car, ayant existé depuis longtemps, elles ont imprimé au commerce et aux capitaux du pays une direction artificielle, et tout changement brusque pourrait occasionner de graves désordres. Mais puisque cet état fâcheux est maintenant connu de tous, pourquoi des mesures ne sont-elles pas adoptées pour arriver à une réforme graduelle ? Pourquoi ne rentre-t-on pas dans la voie régulière et l’ordre naturel desquels les violences d’un système artificiel nous ont jusqu’à présent éloignés ? La raison en est fort simple. Les hommes d’État sont rarement les promoteurs zélés des réformes. Ils savent parfaitement que tout projet de réforme sera combattu par les partis et les préjugés. Ce sont là deux ennemis qu’ils osent rarement défier. Ils préfèrent tolérer des abus qui existent depuis longtemps et auxquels on s’est habitué, plutôt que de s’aventurer dans des réformes qui, bien qu’approuvées par le bon sens, deviendraient pour eux une source d’attaques de la part de leurs adversaires politiques. M. Pitt, au commencement de son administration, proposa et fit accepter plusieurs mesures commerciales libérales ; mais son projet d’établir la liberté du commerce entre l’Angleterre et l’Irlande rencontra une opposition politique et commerciale tellement vive, qu’il fût obligé de le modifier dans plusieurs de ses dispositions ; et, après l’avoir ainsi fait accepter par son pays, il dut à la fin l’abandonner entièrement, par suite du refus de la part du Parlement irlandais de lui donner son approbation. Depuis les réformes commerciales de M. Pitt, aucun essai n’a été fait pour délivrer le commerce des liens qui l’entravaient ; et il reste encore aujourd’hui sous le joug des restrictions absurdes que lui ont imposées les statuts des Édouard et des Henri, à une époque où on croyait que le commerce ne pouvait subsister sans que les règlements du pouvoir législatif lui vinssent en aide. Une révision entière du système commercial de l’Angleterre, afin de parvenir à des réformes indispensables, est devenue plus nécessaire que jamais ; et l’introduction de changements aussi importants dans notre politique intérieure donnerait, sans aucun doute, à ceux qui les auraient effectués, des titres incontestables à l’estime et à la confiance de leur pays ; elle prouverait qu’ils avaient réellement à cœur le bien public, et qu’ils n’avaient reculé devant aucun obstacle pour en poursuivre la réalisation*. Buchanan.

    *. Cette note est antérieure aux réformes proposées par M. Huskisson en 1835.