Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/336

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propre de considérer les artisans, manufacturiers et marchands, sous le même point de vue que de simples domestiques. Le travail d’un domestique ne continue pas l’existence du fonds qui lui fournit son emploi et sa subsistance. Ce domestique est employé et entretenu finalement aux dépens de son maître, et le travail qu’il fait n’est pas de nature à pouvoir rembourser cette dépense. Son ouvrage consiste en services qui, en général, périssent et disparaissent à l’instant même où ils sont rendus, qui ne se fixent ni ne se réalisent en aucune marchandise qui puisse se vendre et remplacer la valeur de la subsistance et du salaire. Au contraire, le travail des artisans, marchands et manufacturiers se fixe et se réalise naturellement en une chose vénale et échangeable. C’est sous ce rapport que, dans le chapitre où je traite du travail productif et du travail non productif, j’ai classé les artisans, les manufacturiers et les marchands parmi les ouvriers productifs, et les domestiques parmi les ouvriers stériles et non productifs[1].

Troisièmement, dans toutes les suppositions, il me semble impropre de dire que le travail des artisans, manufacturiers et marchands n’augmente pas le revenu réel de la société. Quand même nous supposerions, par exemple, comme on le fait dans ce système, que la valeur de ce que consomme cette classe pendant un jour, un mois, une année, est précisément égale à ce qu’elle produit pendant ce jour, ce mois, cette année, cependant il ne s’ensuivrait nullement de là que son travail n’ajoutât rien au revenu réel de la société, à la valeur réelle du produit annuel des terres et du travail du pays. Par exemple, un artisan qui, dans les six mois qui suivent la moisson, exécute pour la valeur de 10 livres d’ouvrage, quand même il aurait consommé pendant le même temps pour la valeur de 10 livres de blé et d’autres denrées nécessaires à la vie, ajoute néanmoins, en réalité, une valeur de 10 livres au pro-

  1. Selon Mac Culloch et l’école à laquelle il appartient, la différence que Smith a essayé d’établir entre le travail des domestiques et celui des artisans, est aussi imaginaire que celle que les économistes ont voulu établir entre le travail des agriculteurs et celui des artisans et marchands. A. B.