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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/348

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tres, teints d’une autre façon, coûtaient 1,000 deniers la livre, ou 33 livres 6 sous 9 deniers. Il faut se rappeler que la livre romaine ne contenait que douze de nos onces, avoir du poids. Il est vrai que ce haut prix, à ce qu’il semble, était dû principalement à la teinture. Mais si les draps, par eux-mêmes, n’eussent pas été beaucoup plus chers qu’aucun de ceux qu’on fabrique aujourd’hui, on n’aurait sûrement pas fait pour eux la dépense d’une teinture aussi précieuse ; la disproportion aurait été trop forte entre la valeur de l’accessoire et celle du principal. Mais ce qui passe toute croyance, c’est ce que rapporte le même auteur[1] du prix de certains triclinaires, espèces de coussins de laine dont on se servait dans les festins pour s’appuyer, quand on était couchés sur les lits qui entouraient la table ; suivant lui, quelques-uns de ces coussins auraient coûté plus de 30,000, d’autres plus de 300,000 livres[2], et il ne dit pas d’ailleurs que cet incroyable prix vint de la teinture. Le docteur Arbuthnot observe qu’il paraît y avoir eu, dans les anciens temps, beaucoup moins de variété dans l’habillement des gens du bon ton de l’un et de l’autre sexe, qu’il n’y en a dans les temps modernes ; et ce qui confirme cette observation, c’est le peu de diversité qui se trouve dans le costume des statues antiques. Il en infère que leur habillement était au total moins dispendieux que le nôtre, mais la conclusion ne paraît pas juste. Quand la dépense d’un habillement recherché est très-grande, il doit y avoir fort peu de variété dans les habits ; mais lorsqu’au moyen de la perfection que l’industrie et l’art des manufactures acquièrent dans leurs facultés productives, la dépense d’un habit de goût vient à être fort modique, alors naturellement les modes seront très-variées et les habits très-multipliés. Les riches ne pouvant plus se distin­guer par la dépense d’un habit, ils tâcheront naturellement de le faire par la multitude et la variété[3].

  1. Liv. VIII, chap. xvviii.
  2. Le texte de Pline, selon les meilleures leçons, et dans l’édition dite Variorum, porte quadragies ; ce qui répond, d’après les calculs du docteur Arbuthnot, qui a adopté cette leçon, à 32,291 livres 13 schellings 4 deniers sterling, et ce qui est déjà bien assez incroyable. Mais Budée s’est avisée de lire quadringenties, ce qui d’après les mêmes calculs, donnerait 322,916 livres 13 schellings 4 deniers sterling, c’est-à-dire environ 7 à 8 millions de francs.
  3. Les calculs sur les prix des objets dans l’antiquité ont été empruntées par Adam Smith aux tables du docteur Arbuthnot, qui ne méritent pas grande confiance. Mac Culloch.