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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/385

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voulaient être jugées, et chaque cour, en jugeant avec plus de diligence et d’impartialité, s’efforça d’attirer à elle le plus de causes possible. Si les cours de justice en Angleterre sont aujourd’hui si parfaitement constituées, nous en sommes peut-être originairement redevables, en grande partie, à cette émulation anciennement établie entre les juges respectifs qui les composaient, chaque juge tâchant, dans la cour dont il était membre, de trouver pour toute espèce d’injustice le remède le plus prompt et le plus efficace que la loi pût comporter. Dans le principe, les cours de loi n’accordaient pour infraction de contrat que des dommages-intérêts seulement. La cour de chancellerie, comme cour de conscience[1], fut la première qui prit sur elle de contraindre à l’exécution formelle des simples conventions. Quand l’infraction du contrat ne consistait que dans un non-payement de deniers, le dommage souffert par le créancier ne pouvait être réparé autrement qu’en ordonnant le payement ; ce qui était équivalent à une stricte exécution de la convention. Dans ce cas, le remède des cours de loi était suffisant. Il n’en était pas ainsi dans d’autres cas. Quand le tenancier poursuivait son seigneur pour l’avoir injustement évincé de son bail, les dommages-intérêts qu’on lui adjugeait n’équivalaient nullement pour lui à la jouissance de la terre. Aussi les causes de cette nature vinrent toutes, pendant quelque temps, à la cour de chancellerie ; ce qui ne fit pas peu de tort aux cours de loi. On prétend que ce fut pour ramener ces causes à leur tribunal, que les cours de loi imaginèrent cette action fictive qu’on nomme Writ d’expulsion, le remède le plus efficace contre une injuste expulsion ou une dépossession d’immeubles.

Un droit de timbre sur les actes de procédure dans chaque cour particulière, levé par la cour elle-même et appliqué à l’entretien des juges et autres officiers attachés au tribunal, pourrait de même fournir un revenu suffisant pour défrayer la dépense de l’administration de la justice, sans grever d’aucune charge le revenu général de la société. Dans ce cas, à la vérité, les juges pourraient être tentés de multiplier inutilement les procédures dans chaque cause, pour augmenter, autant que

  1. On distingue en Angleterre les cours de loi et les cours de conscience ou d’équité ; ces dernières diffèrent par la forme de procéder, et elles sont moins astreintes, pour le fond de leurs jugements, à suivre strictement la lettre de la loi ; mais elles peuvent se décider sur la bonne foi des parties, ou, comme on le disait pour nos justices consulaires, ex æquo et bono.