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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/399

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tion particulière de ce genre auraient toujours été laissés pareillement à sa disposition. Mais, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, les nations n’ont pas toujours agi conséquemment et, dans la plus grande partie des États commerçants de l’Europe, des compagnies particulières de marchands ont eu l’adresse de persuader à la législature qu’elle devait confier à leurs soins cette partie des devoirs du souverain, ainsi que tous les pouvoirs qui y sont nécessairement attachés.

Quoique peut-être ces compagnies, en faisant à leurs propres dépens une expérience que l’État n’eût pas jugé prudent de faire lui-même, aient pu servir à introduire certaines branches nouvelles de commerce, à la longue, néanmoins, elles sont devenues partout ou nuisibles, ou inutiles au commerce, et elles ont fini par lui donner une fausse direction ou par le restreindre.

Si ces compagnies ne commercent pas à l’aide d’un fonds social, mais qu’elles soient tenues d’admettre toute personne ayant les qualités requises, en payant un droit d’entrée déterminé, et à la charge de se soumettre aux règlements de la compagnie (chaque membre commerçant sur ses propres fonds et à ses risques), on les appelle compagnies privilégiées. Quand elles commercent à l’aide d’un fonds social, chaque membre prenant sa part des profits ou des pertes communes, en proportions de sa mise, on les nomme compagnies par actions. Ces compagnies, soit privilégiées[1], soit par actions, ont quelquefois des privilèges exclusifs, et quelquefois elles n’en ont point.

Les compagnies privilégiées ressemblent, sous tous les rapports, aux corporations de métiers si communes dans les villes des divers pays de l’Europe, et ce sont des espèces de monopoles étendus à un grand nombre de personnes, telles que sont les corporations. De même qu’aucun habitant d’une ville ne peut exercer un métier incorporé sans obtenir d’abord sa maîtrise dans la corporation ; de même, la plupart du temps, aucun sujet de l’État ne peut légalement exercer une branche de com-

  1. L’expression joint stock compagnies, qui est dans l’original, ne peut être traduite d’une manière tout à fait exacte en français : société commerciale ne dirait pas assez ; société en commandite dirait trop, car les Anglais n’ont pas, à proprement parler, de sociétés en commandite. J’ai adopté le terme de compagnie par actions, de préférence à tout autre, parce qu’il se rapproche le plus de l’idée anglaise. Le comte Garnier s’était servi des mots compagnies en société de fonds, qui ne signifient rien. Qu’est-ce que des compagnies en société ? A. B.