Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/415

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La compagnie de la baie d’Hudson, avant les malheurs qu’elle éprouva dans la dernière guerre, avait eu beaucoup plus de succès que la compagnie royale d’Afrique. Ses dépenses nécessaires sont beaucoup moindres. La totalité des personnes qu’elle entretient, dans les différents établissements qu’elle a décorés du nom de forts, n’excède pas, dit-on, cent vingt personnes, ce nombre est néanmoins tout ce qu’il faut pour préparer d’avance les fourrures et autres marchandises formant la cargaison de ses vaisseaux, qui, à cause des glaces, ne peuvent guère rester dans ces mers plus de six ou huit semaines. Des armateurs particuliers qui se livreraient à ce commerce ne pourraient pas, avant plusieurs années, se procurer l’avantage d’avoir ainsi leurs cargaisons préparées d’avance, et sans cela il ne paraît pas qu’il y ait possibilité de commercer à la baie d’Hudson ; d’ailleurs, le modique capital de la compagnie, qui, à ce qu’on dit, ne va pas au-delà de 110 mille livres, peut suffire pour la mettre à portée d’accaparer la totalité ou la presque totalité du commerce et du produit superflu du misérable pays (tout étendu qu’il soit) qui est compris dans sa charte ; aussi, aucun particulier n’a-t-il jamais essayé de commercer dans ce pays en concurrence avec elle. Par conséquent, si cette compagnie n’a pas, aux yeux de la loi, de droit à un commerce exclusif, elle en a toujours joui par le fait. Par-dessus tout cela encore, on dit que le modique capital de cette compagnie est partagé entre un très-petit nombre de propriétaires. Or, une compagnie par actions composée d’un petit nombre d’actionnaires, avec un capital modique, approche de très-près de la nature d’une société particulière de commerce, et peut être susceptible, à fort peu de chose près, du même degré de vigilance et d’attention. Il ne faut donc pas s’étonner si, en conséquence de ces différents avantages, la compagnie de la baie d’Hudson a pu, avant la dernière guerre, faire son commerce avec un degré de succès un peu considérable. Il ne paraît pourtant pas vraisemblable que ses profits aient jamais approché de ce que s’est figuré M. Dobbs. Un écrivain beaucoup plus judicieux et plus circonspect, M. Anderson, auteur du Traité historique et chronologique du commerce, observe avec beaucoup de justesse, qu’en examinant les comptes donnés par M. Dobbs lui-même, pendant plusieurs années de suite, des exportations et importations de la compagnie, et en mettant en ligne de compte les sommes convenables pour les risques et les frais extraordinaires, il ne paraît pas que les profits de la compagnie soient dans le cas d’être enviés, ou qu’ils excèdent