Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sonne frappée d’un tel anathème. On peut bien présumer, sans crainte de se tromper, que c’était le clergé du royaume qui leur prescrivait cette conduite.

Ainsi, le droit de collation aux grands bénéfices de l’Église, ce droit pour le soutien duquel la cour de Rome avait souvent ébranlé et quelquefois renversé les trônes de quelques-uns des plus grands souverains du monde chrétien, se trouva restreint, modifié ou même tout à fait anéanti dans plusieurs endroits de l’Europe, même avant l’époque de la réformation. Comme le clergé eut alors moins d’influence sur le peuple, l’État eut plus d’influence sur le clergé. Ainsi, le clergé eut à la fois et moins de pouvoir pour troubler l’État, et moins de penchant à le faire. Tel était l’état de décadence où était tombée l’autorité de l’Église de Rome, quand les disputes qui donnèrent naissance à la réformation éclatèrent en Allemagne et se répandirent bientôt par toute l’Europe.

La doctrine nouvelle obtint partout une grande faveur populaire ; elle était propagée avec tout l’enthousiasme du zèle qui anime communément l’esprit de parti quand il attaque une autorité reconnue. Les maîtres de cette doctrine, quoique peut-être à d’autres égards aussi peu instruits que la plupart des théologiens qui défendaient les dogmes reçus, semblent, en général, avoir été mieux au fait de l’histoire ecclésiastique, ainsi que de l’origine et des progrès de ce système d’opinions sur lequel était fondée l’autorité de l’Église, et ils avaient par là de l’avantage dans toutes les disputes. L’austérité de leurs mœurs leur donnait du crédit sur le vulgaire, qui mettait en opposition la stricte régularité de leur conduite avec la vie déréglée de la plupart des membres de son clergé. Ils possédaient aussi, à un bien plus haut degré que leurs adversaires, tous les arts de la popularité et celui de se faire des prosélytes ; arts que les puissants et magnifiques enfants de l’Église avaient depuis longtemps négligés comme à peu près inutiles. Quelques-uns embrassèrent la nouvelle doctrine par raison ; beaucoup par amour pour la nouveauté ; un bien plus grand nombre encore par haine et par mépris pour le clergé dominant. Mais ce qui attira vers elle une foule sans comparaison plus nombreuse, ce fut cette éloquence ardente, passionnée et fanatique, quoique souvent rustique et grossière, avec laquelle elle fut presque partout prêchée[1].

  1. La réforme, sans contredit le coup le plus terrible porté à l’Église romaine, n’était-elle pas due à la raison humaine ? Les prédications de Luther contre les indulgences ne s’adressaient-elles pas à la raison humaine ? Et la controverse, que voulait-elle ? sinon porter la conviction dans les esprits ? Les circonstances dont parle Adam Smith ont ajouté aux efforts de la raison, mais ce fut elle qui avait donné la première impulsion. Ce fut la raison humaine qui brisa le joug de la superstition, et qui depuis nous a préservés de toute rechute. Buchanan.