Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/483

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grande complaisance ; mais les circonstances voulurent qu’elle n’eût pu agir ainsi sans offenser un monarque encore plus puissant, Charles V, roi d’Espagne et empereur d’Allemagne. Aussi, si Henri VIII lui-même ne reconnut pas les principaux articles de la doctrine de la réformation, au moins la faveur générale que cette doctrine avait acquise le mit-elle à même de supprimer tous les monastères dans ses États, et d’y abolir l’autorité de l’Église romaine. Quoiqu’il n’ait pas été plus loin, c’en était assez pour faire plaisir aux champions de la réformation qui, s’étant rendus maîtres du gouvernement sous son fils et successeur, achevèrent sans la moindre difficulté l’ouvrage commencé par le père.

Dans quelques pays, comme l’Écosse, où le gouvernement était anti-populaire et très-peu solidement établi, la réformation fut assez forte, non-seulement pour renverser l’Église, mais encore pour renverser l’État, qui voulut essayer de soutenir l’Église.

Entre les sectateurs de la réformation répandus dans tous les différents pays de l’Europe, il n’y avait pas de tribunal général qui pût, comme celui de la cour de Rome ou comme un concile œcuménique, régler entre eux tous les sujets de controverse, et prescrire à tous, avec une irréfragable autorité, les limites précises de l’orthodoxie. Quand donc ceux de la religion réformée dans un pays venaient à différer l’opinion avec leurs frères d’un autre pays, comme il n’y avait pas de juge commun auquel ils pussent appeler, la dispute ne pouvait jamais être décidée, et il s’éleva beaucoup de ces sortes de disputes parmi eux ; celles relatives au gouvernement de l’église et au droit de conférer les bénéfices ecclésiastiques étaient peut-être celles qui intéressaient le plus la paix et le bien-être de la société civile ; elles donnèrent, en conséquence, lieu aux deux parties ou sectes principales qui divisent les disciples de la réformation, les sectes calviniste et luthérienne, les seules parmi eux dont la doctrine et la discipline aient encore jamais été légalement établies en Europe.

Les partisans de Luther, ainsi que ce qu’on appelle l’Église anglicane, conservèrent plus ou moins le gouvernement épiscopal, maintinrent une subordination dans le clergé, donnèrent au souverain la disposition de tous les évêchés et autres bénéfices consistoriaux dans ses États, et le rendirent par là le véritable chef de l’église ; et sans ôter à l’évêque le droit de collation aux bénéfices inférieurs dans son diocèse, non-seulement ils admirent quant à ces bénéfices mêmes, mais encore ils favorisèrent le droit de présentation, tant chez le souverain que chez