Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/50

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espèce, acquérir jamais le genre de manufacture en question, il ne s’ensuivrait pas pour cela qu’elle en dût être un seul moment plus pauvre, dans tout le cours de sa carrière ; il pourrait toujours se faire que, dans tous les instants de sa durée, la totalité de son capital et de son industrie eût été employée (quoiqu’à d’autres objets) de la manière qui était, pour le moment, la plus avantageuse. Ses revenus, dans tous ces instants, pourraient avoir été les plus grands que son capital eût été en état de rapporter, et il se pourrait faire que son capital et son revenu eussent toujours été l’un et l’autre en augmentant avec la plus grande rapidité possible.

Les avantages naturels qu’un pays a sur un autre pour la production de certaines marchandises sont quelquefois si grands, que du sentiment unanime de tout le monde, il y aurait de la folie à vouloir lutter contre eux. Au moyen de serres chaudes, de couches, de châssis de verre, on peut faire croître en Écosse de fort bons raisins, dont on peut faire aussi de fort bon vin avec trente fois peut-être autant de dépense qu’il en coûterait pour s’en procurer de tout aussi bon de l’étranger. Or, trouverait-on bien raisonnable un règlement qui prohiberait l’importation de tous les vins étrangers[1], uniquement pour encourager à faire du vin de Bordeaux et du vin de Bourgogne en Écosse ? Mais s’il y a absurdité évidente à vouloir tourner vers un emploi trente fois plus du capital et de l’industrie du pays, qu’il ne faudrait en mettre pour acheter à l’étranger la même quantité de la marchandise qu’on veut avoir, nécessairement la même absurdité existe (et quoique pas tout à fait aussi choquante, néanmoins exactement la même) à vouloir tourner vers un emploi de la même sorte un trentième, ou, si l’on veut, un trois-centième de l’un et de l’autre de plus qu’il n’en faut. Il n’importe nullement, à cet égard, que les avantages qu’un pays a sur l’autre soient naturels ou acquis. Tant que l’un des pays aura ces avantages et qu’ils manqueront à l’autre, il sera toujours plus avantageux pour celui-ci d’acheter du premier, que de fabriquer lui-même. L’avantage qu’a un artisan sur son voisin qui exerce un autre métier, n’est qu’un avantage acquis, et cependant tous les deux trouvent plus de bénéfice à acheter l’un de l’autre, que de faire eux-mêmes ce qui ne concerne pas leur aptitude particulière.

Les gens qui tirent le plus grand avantage de ce monopole du marché

  1. C’est sous ce nom que les Anglais désignent les vins de Bordeaux.