Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/553

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentirent volontiers à ce qu’elle fût imposée par le souverain. Dans quelques pays, cet impôt fut borné aux terres qui étaient tenues en roture à titre de propriété, et dans ce cas la taille était appelée réelle. L’impôt territorial établi par le feu roi de Sardaigne, et la taille établie dans les provinces du Languedoc, de la Provence, du Dauphiné et de la Bretagne, dans la généralité de Montauban et dans les élections d’Agen et de Condom, ainsi que dans quelques autres districts de la France, sont des impôts sur des terres tenues en roture à titre de propriété. Dans d’autres pays, l’impôt fut établi sur les profits présumés de tous ceux qui tenaient à ferme ou à bail des terres appartenant à autrui, quelle que fût la nature de la terre, noble ou roturière, dans la personne du propriétaire, et dans ce cas la taille était appelée personnelle. Dans la plupart des provinces de France qu’on nomme pays d’élection, la taille est de ce genre. La taille réelle, n’étant imposée que sur une partie seulement des terres du pays, est nécessairement un impôt inégal, mais non toujours arbitraire, bien qu’il le soit dans quelques occasions. La taille personnelle étant un impôt qu’on entend proportionner aux profits d’une certaine classe de gens, profits sur lesquels on ne peut que conjecturer, l’impôt est à la fois inégal et arbitraire.

Le montant de la taille personnelle imposée en France en ce moment (1775), dans les vingt généralités qu’on nomme pays d’élection, est de 40 107 239 liv. 16 s. tournois[1]. La proportion selon laquelle cette somme est assise sur les différentes provinces varie d’année en année, d’après les rapports qui se font au conseil du roi de l’état bon ou mauvais de la récolte, aussi bien que d’autres circonstances qui peuvent augmenter ou diminuer dans ces provinces leurs moyens respectifs de payer l’impôt. Chaque généralité se divise en un certain nombre d’élections, et la proportion dans laquelle la somme imposée sur toute la généralité se partage entre les différentes élections varie pareillement d’une année à l’autre, d’après les rapports faits au conseil sur les moyens de payer de chacune de ces élections. Il paraît impossible qu’avec les meilleures intentions le conseil puisse jamais proportionner, avec une exactitude un peu tolérable, l’une ou l’autre de ces deux assiettes aux facultés réelles de la province ou district sur lequel elles sont établies. Le conseil le plus équitable sera toujours dans le cas de se méprendre par ignorance ou par défaut d’informations exactes. La

  1. Mémoires concernant les droits, etc., tome I, page 17.