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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/657

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point, il n’y a pas, je crois, un seul exemple qu’elle ait été loyalement et complètement payée. Si jamais la libération du revenu public a été opérée tout à fait, elle l’a toujours été par le moyen d’une banqueroute, quelquefois par une banqueroute ouverte et déclarée, mais toujours par une banqueroute réelle, bien que déguisée souvent sous une apparence de payement.

L’expédient le plus ordinaire qu’on ait mis en œuvre pour déguiser une vraie banqueroute nationale sous l’apparence d’un prétendu payement, c’est de hausser la dénomination de la monnaie. Si, par exemple, par un acte du parlement ou par une proclamation royale, une pièce de 6 pence venait à être portée à la dénomination de 1 schelling, et 20 pièces de 6 pence à celle de 1 livre sterling, la personne qui, dans le temps de l’ancienne dénomination, aurait emprunté 20 sous ou à peu près quatre onces d’argent, pourrait, sous le régime de la nouvelle dénomination, payer sa dette avec vingt pièces de 6 pence ou avec quelque chose de moins que deux onces d’argent. De cette manière, une dette nationale d’environ 128 millions (le capital à peu près de la dette fondée et non fondée de la Grande-Bretagne)[1], pourrait se payer avec environ 64 millions de notre monnaie actuelle. Ce ne serait, à la vérité, qu’une apparence de payement, et dans la réalité on aurait fait tort aux créanciers de l’État de 10 sous par livre de ce qui leur était dû. Le dommage s’étendrait aussi beaucoup plus loin qu’aux créanciers de l’État ; ceux de chaque particulier auraient la même perte à essuyer, et cela sans aucun avantage pour les créanciers de l’État, mais même avec un grand surcroît de perte pour ceux-ci. À la vérité, si un créancier de l’État était endetté envers d’autres personnes, il pourrait, jusqu’à un certain point, compenser sa perte en payant ses créanciers de la même monnaie que celle dont il aurait été payé par l’État. Mais dans presque tout pays les créanciers de l’État sont, pour la plupart, des gens opulents, plutôt sur le pied de créanciers, que sur celui de débiteurs avec le reste de leurs concitoyens. Ainsi, un prétendu paye-

  1. Le capital de la dette fondée et non fondée a été évalué, pour 1836, à 19 milliards 739,437,000 francs.