Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/659

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intérêt énorme, lequel, n’étant jamais payé, grossissait bientôt la dette dans une proportion telle, qu’il était impossible au débiteur de la payer ni de trouver personne qui la payât pour lui. Le débiteur, dans la crainte d’une exécution rigoureuse, était obligé, sans recevoir aucune gratification ultérieure, de voter pour le candidat que lui recommandait son créancier. En dépit de toutes les lois portées contre la corruption et la vente des suffrages, les largesses des candidats, jointes aux distributions de blé ordonnées de temps à autre par le sénat, étaient le fonds principal qui fournissait à la subsistance des pauvres citoyens, dans les derniers temps de la république. Pour se délivrer de cet assujettissement envers leurs créanciers, les citoyens pauvres étaient continuellement à demander, ou une entière abolition des dettes, ou ce qu’ils appelaient de nouvelles tables, c’est-à-dire une loi qui pût les autoriser à se faire donner une décharge complète en payant seulement une portion déterminée de leurs dettes accumulées. L’équivalent des nouvelles tables les plus avantageuses qu’ils pussent désirer, c’était la loi qui réduisait à un sixième de leur ancienne valeur la monnaie de toute dénomination, puisqu’elle les mettait à même de payer leurs dettes avec un sixième de ce qu’ils devaient réellement. Les grands et les riches avaient déjà été obligés, en plusieurs occasions, pour contenter le peuple, de consentir à des lois, tant pour l’abolition des dettes, que pour l’introduction de nouvelles tables ; et vraisemblablement ce qui les engagea à consentir de même à celle-ci, ce fut en partie le même motif, et en partie l’espoir que la libération du revenu public pourrait redonner de l’énergie à un gouvernement dont ils avaient la principale direction. Une opération de ce genre réduirait tout d’un coup une dette de 128 millions à 21,333,333 liv. 6 sch. 8 den. Dans le cours de la seconde guerre punique, l’as fut encore réduit de nouveau, d’abord de deux onces de cuivre à une once, et ensuite d’une once à une demi-once, c’est-à-dire à un vingt-quatrième de sa valeur primitive. En réunissant les trois opérations en une seule, une dette de 128 millions de notre monnaie actuelle pourrait par là se trouver tout d’un coup convertie en une dette de 5,333,333 liv. 6 sch. 8 den. De cette manière la dette de la Grande-Bretagne, tout énorme qu’elle est, se trouverait bientôt éteinte.

Il n’y a, je crois, aucune nation dont la monnaie, à la faveur de ces sortes d’expédients, n’ait été successivement réduite de plus en plus au-dessous de sa valeur originaire, de sorte que la même somme nomi-